Le cadeau

C’est du fond de son lit qu’il réalisa qu’il avait oublié de nourrir le poney, qui, quelque part dans son pré, tournait en rond. Le vieillard le plus avancé en âge avait décidé, enfin, d’affronter son dernier ennemi. Il avait écrit ses dernières volontés, posé la lettre à son chevet. Il savait qu’il ne serait pour personne une illustre figure, ayant fait le vide autour de lui. Plus d’amis, plus de famille pour supporter ses innombrables plaintes. Le poney avait été le seul être véritablement historique de sa vie. A la fin, tout au moins. Le vieillard avait reçu, un jour, cet étrange paquet cadeau, qui contenait une carte : il avait gagné un prix, suite à sa participation à un concours dont il ne se souvenait plus. Il avait failli envoyer paître l’inconnu qui l’avait appelé, la semaine suivante, pour confirmer la nouvelle. Il avait bougonné, rouspété, et s’était rendu tellement incompréhensible qu’il recevait le lendemain en livraison un petit poney enrubanné. Heureusement alors qu’il possédait une terre. Les mois suivants avaient été heureux, il s’occupait de son animal, qui le lui rendait bien. Puis, l’annonce de la maladie. Incurable. Son poney était mourant. S’en suivi une déprime profonde. Puis il avait décidé d’approcher lui aussi au plus près la cruelle. Il avait préparé cette mixture assassine, versé la moitié dans le foin de l’animal, et décidé de boire lui-même les dernières gouttes. C’est ainsi, après avoir terminé sa boisson, qu’il réalisa qu’il avait oublié de nourrir son poney. Ne restait plus qu’à attendre de savoir si la mort se visite seulement, ou condamne.