• 2 ans 
  • 3Minutes de lecture env.
  • 190Lectures récentes
10
(1)

Ma vieille deux chevaux que je bichonne m’emmène au bercail. J’attaque la cérémonie du soir avec mon apéritif quotidien, un pastis bien frais. C’est un moment frontière entre la fatigue de la journée et ma liberté. Et ce soir, particulièrement, je souhaite être totalement disponible pour savourer cette missive. Mon chat (qui s’appelle « le chat ») vient renifler mes chaussures et le bas de mon pantalon pour s’assurer qu’il n’y avait rien de changé dans mes habitudes et réclame une caresse. Puis il découvre l’enveloppe posée sur ma table basse la renifle : odeur nouvelle, prudence !et se couche dessus. – vas-t’en le chat !

Je prends l’enveloppe de mon écrivain avec émotion. Je sors les feuilles remplies d’une écriture élégante et fine et commence à lire :

Cher Pascal,

Je suis très touché par votre message de bienvenue. Vous devez penser que je suis un véritable sauvage, un asocial. Sachez qu’il n’en est rien ; tout simplement, il m’est si difficile de communiquer que je ne veux pas imposer ma présence à qui que ce soit. Je me suis enfermé petit à petit dans ce mutisme car la vie m’a fait comprendre combien il était difficile d’être différent.

Jamais votre attitude n’a été hostile à mon égard et votre petit mot me fait penser que vous avez à demi compris. Bien que je n’aime pas beaucoup parler de moi, je vous dois une explication. Je suis né sourd muet. Mes parents ont fait le maximum pour me donner une instruction la meilleure qui soit. Mais j’ai des difficultés avec le langage et j’ai beaucoup de mal à me faire comprendre. A l’école, j’ai subi les quolibets de mes camarades et l’indifférence de certains, ce qui était pire. Le monde du travail n’a pas été tendre non plus avec moi. J’ai trouvé des « petits boulots » dans le secrétariat alors que j’ai une licence de lettres. Je n’ai aucune rancœur. Mon indemnité d’handicapé me permet de vivre correctement mais ma richesse, je l’ai trouvé dans l’écriture. J’admire, je respire, je ressens. Ensuite je couche sur le papier toutes ces émotions …

– Tu comprends « le chat » ? Tandis que je croyais cet homme indifférent à mon petit mot, lui, me consacrait sa journée d’écriture. Je suis ému.

et j’en ressens un bienfait apaisant, comme si je communiquais avec la terre entière et tout ses éléments.

Si vous le souhaitez, et j’en serais très heureux, nous pourrions, au gré de nos envies, poursuivre nos échanges de papiers comme je le fais avec mon vieil ami, lui aussi, sourd muet.

J’ajoute que cette blanquette de veau était divine.

Bien amicalement,

Hervé Grambois

Moyenne obtenue : 10 / 10. Nombre de votes : 1

Soyez le-la premier-ère à exprimer votre ressenti !

Partager ?

3
0
L'auteur-trice aimerait avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x