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« Faites un truc qui vous rendra heureux » ! La première fois que je t’ai entendu le dire, j’ai rigolé car tu es un marrant, non ? Puis je t’ai de nouveau entendu à la radio, on en a parlé avec les copains à l’école et y en a même qui ont dit qu’ils allaient le faire.

A cette époque-là Maman faisait des ménages, pour mettre du beurre dans les épinards disait-elle. Moi, j’aimais pas les épinards mais j’aimais bien le beurre sur les tartines. Toutes les semaines elle allait en haut du village dans la grande demeure du patron de l’usine de conserves ; parfois quand c’était les vacances scolaires elle m’emmenait avec elle, je devais rester assis sans toucher aux objets, mais j’avais le droit de lire les bandes dessinées des enfants de la maison, et rien que pour cela j’étais content d’y aller.

Ce matin-là dans son atelier, grand-père avait mis la radio comme d’habitude ; quand il travaillait le bois il aimait bien fredonner des chansons françaises, et c’est ainsi que ton refrain est entré dans ma tête et s’est mis à tourner dans mon crâne comme un oiseau en cage. Quand j’ai accompagné maman l’après-midi, je n’arrêtais pas de chantonner, ça l’a énervé un peu. Et finalement le seul moyen que j’ai trouvé pour me débarrasser de cette ritournelle ça a été de le faire, le truc qui rend heureux.

Tu avais raison, mais tu n’avais pas tout dit : parce que ça m’a valu des problèmes. Je me suis pris une de ces engueulades avec ma mère d’abord, puis mon père ensuite, accompagnée d’une torgnole en plus, j’étais vraiment pas heureux. Y a que grand-père qui m’a pas crié dessus, il est juste sorti de la pièce en souriant.

Malgré tout j’avais bien envie de le refaire, parce que bien sûr ils n’ont pas pu me remercier, les oiseaux du directeur, quand j’ai ouvert la porte de leur cage, mais dans mon cœur j’ai ressenti une joie comme jamais. Et puis là aussi tu avais raison, c’était beau de les voir s’envoler, je crois même que c’est une des choses les plus belles au monde.

C’est peut-être pour ça que je suis devenu avocat. C’était en 1961, j’avais dix ans et c’est ce jour-là que j’ai commencé à imaginer ouvrir la cage de tous les oiseaux emprisonnés et leur offrir la liberté.

* « La cage aux oiseaux », 1960, chanson de Pierre Perret

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