Elle avait toujours aimé les contes où les princes charmants rivalisent d’astuce et de courage pour conquérir le cœur de leur belle. Elle en rêvait encore, elle y croyait peut-être, mais de moins en moins. Elle n’avait plus d’âge, enfin à dire vrai elle ne voulait plus s’en souvenir, croyant que ce subterfuge réussirait à flouer son corps et son miroir. Elle fuyait les empêcheurs de tourner en rond, ceux qui lui rappelaient que le temps coule sans s’arrêter comme les hommes sur son passage, celles qui lui disaient « n’y compte plus, tu es trop vieille » d’un air chafouin de charité perverse. Elle ne les écoutait pas et contrait leur capacité de nuisance en saturant son oreille de musiques mélodieuses. Elle raffolait du chant du rossignol qui gringottait sous ses fenêtres les douces nuits de mai. L’oiseau pénétrait ses rêves, s’y installait et, comme dans une chanson de Louis Mariano, lui apportait l’espoir… jusqu’à l’ébranlement du matin, quand la lumière crue lui renvoyait son image sans fard. Elle avait récemment appris que les pierres de couleur verte favorisaient l’amour, alors ce matin elle avait décidé de partir en quête de ce précieux talisman.
Perles et animaux ciselés ornaient le bracelet d’aventurine dont le joli quartz pailleté de vert luisait doucement dans un recoin de la vitrine ; mais déjà elle ne voyait plus que lui, l’objet de tous ses désirs. Il avait levé la tête de son délicat ouvrage, peut-être parce que cet arrêt devant la petite boutique de joaillerie avait imperceptiblement modifié le cheminement de la lumière dans son espace clos ; c’était une perception infime, quasi magique, comme une fine piqure d’épingle dans son esprit concentré, mais suffisante pour changer un destin.
La flèche d’Eros fera le reste
C’est beau, c’est sensuel et sensitif. J’aime beaucoup. Merci.
Bon, désolé, vous me connaissez un peu Angelune, je ne sais pas faire dans la demi-mesure. Alors, voici mon commentaire…
Whaoo ! Du grand art ! Magnifique ! Je n’arrive même pas à critiquer la ponctuation (mon dada, comme vous savez…).
Et je fais même – sans la moindre honte – “ma femme savante” ! Regardez : “…un air chafouin de charité perverse…” me fait fondre comme un enfant devant un seau de Nutella ! Sérieusement, cet air chafouin de charité perverse, cette image si riche d’émotions contradictoires… c’est à mes yeux (et à tous mes sens) ce qu’on appelle “la poésie”, non ? Sinon, où est-elle ? (Dans les conventions académiques ?…)
Regardez encore : “…l’oiseau pénétrait ses rêves…”, “…l’ébranlement du matin…” ; n’avons-nous pas là de merveilleuses et poétiques images de [a minima] paradoxes positifs, créatifs ?
Non, non, je vous le redis : “Whaoo ! du grand art !”
Et même ce paragraphe final (que je craignais un peu intuitivement de lire), même lui est au final poétique : l’infime grain de sable des événements n’y crée-t-il pas… la vie ? L’amour ?…
J’ai passé un bon moment à lire et relire votre texte. Un “bon” moment. Merci.
Toujours cette capacité à nous conter l’histoire avec finesse et poésie, sans la contrainte des contraintes… 🙂
Que c’est beau !!