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Peut-être vous souvenez-vous de ce diable chercheur d’âmes compulsif ?  

Après son échec auprès du notaire, il avait essayé l’âme d’un aliéné en prenant l’apparence d’un infirmier psychiatrique. Là également, il avait essuyé un dur revers. Il s’était résolu à renoncer car cette âme était si turbulente qu’elle avait créé bien trop de remue-ménage au sein de ses semblables elles aussi prisonnières du sac. Comme nous le savons déjà, notre diable était envahi de sacs d’âmes chez lui, alors si de surcroît ces dernières se rebellaient, la pagaille pouvait devenir insupportable.

– J’ai vraiment perdu la main, se disait-il. Mes pouvoirs de conviction semblent s’être envolés. Je ne tombe que sur des humains trnant à leur âme. Le bon dieu me fait une rude concurrence !

Tout en réfléchissant, il jouait avec un presse-papier ancien que le bon dieu lui avait offert du temps où ils parvenaient encore à travailler ensemble. C’était le temps où il tenait encore sa comptabilité sur du bon et solide papier. Maintenant, après avoir essayé de s’adapter aux nouvelles technologies, il avait renoncé à l”ordinateur et à la tenue de ses comptes par la même occasion, d’où ce capharnüm dans ses sacs et ce presse papier devenu inutile. Ce souvenir d’une ancienne amitié avec le bon dieu le rendit nostalgique ; cela ne lui ressemblait pas.

– Toutes ces vaines démarches de ces derniers jours m’ont probablement fatigué, j’ai sûrement besoin de vacances.

Il décida de lever un peu le pied et de s’octroyer du repos.

– J’en profiterai pour mettre un peu d’ordre dans mes âmes, plus moyen de prendre un bain, j’en ai jusque dans la baignoire !

Les deux premiers jours de repos de notre compère furent on ne peut plus agréables. Il s’était fait un petit chemin entre les sacs jusqu’à la baignoire, avait empoigné ceux qui l’encombraient et les avait envoyés par la poste au bon dieu accompagnés d’un petit mot :

Cadeau de nouvelle année. Pour vos bonnes œuvres.

Puis il s’était voluptueusement glissé dans l’eau du bain qu’il n’avait quasiment pas quitté durant ces deux jours.

Pour aller sans encombre dans la cuisine, il dut se résoudre à faire un second envoi au bon dieu. Se débarrasser de toutes ces âmes lui fendait le cœur (un cœur de diable certes, mais un cœur quand même). Tout corps, fût-il de diable, a aussi ses exigences et la faim le tenaillait. Il se prépara donc un bon petit festin et ne quitta pas la table de deux jours, là encore.

Seulement voilà :

Quand on est le diable, qu’on est propre comme un sou neuf et qu’on a l’estomac bien rempli, que fait-on de ses vacances ? Il n’en avait aucune idée, c’étaient ses premières et l’ennui commençait à poindre.

– Que font donc ces fichus humains quand ils ne travaillent pas ? murmurait-il pour lui même. À quoi passent-ils leur temps ?

Il alla s’asseoir dans le fauteuil qui lui servait d’observatoire, en déblayant le chemin de quelques coups de pied.

Il jeta un coup d’œil sur un immeuble et vit par la fenêtre une famille  hypnotisée par ce qui semblait être un film à la télévision et plus loin des hommes bavardant autour d’une table. Ils en étaient aux digestifs et avaient sorti un jeu de cartes  Le diable prêta l’oreille :

– On se fait une manille ou une belote pour finir la soirée ?

Il y eut des discussions et la manille l’emporta. Les compères entamèrent une partie que j’oserai qualifier d’endiablée.

– Doux Jés… Diantre, fit le diable, ils ont l’air de s’amuser comme des fous !

Il observa ainsi divers endroits et partout les gens qui ne travaillaient pas, les retraités ou les vacanciers avaient une occupation qui semblait leur permettre de passer le temps sans trop souffrir de l’ennui qui étreignait notre pauvre diable. 

– Ces manilleurs me font envie, j’irais bien me joindre à eux mais je ne connais pas les règles et je ne peux pas me pointer comme ça. (Comme s’il ne se pointait pas “comme ça” d’habitude mais admettons.) 

Non loin s’étendait le musée du Louvre avec sa pyramide. Un guide accompagnait un groupe de Chinois jusque dans la salle consacrée à l’Égypte

– Je connais déjà tous ces machins-là, grommela notre diable. Quel est l’intérêt pour ces touristes d’aller voir des trucs d’une époque qu’ils n’ont pas vécue ? L’accompagnateur montrait justement un calame en se lançant dans de grandes explications. Il n’écouta pas, pour lui c’était du connu.

– Il faut dire que ça avait tout de même une autre allure que les stylos d’aujourd’hui et au moins c’était du solide, soupira-t-il en allant ouvrir au facteur. 

Il revint avec un paquet accompagné d’un petit mot signé du bon dieu

Merci pour vos deux envois. Cependant je vous retourne quelques âmes insupportables que je n’ai pas pu sauver.

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