Les sternes s’amusent avec les vagues et marquent de leurs pattes le sable encore mouillé. De jeunes ados armés d’épuisettes s’élancent vers les rochers qui retiennent quelques retardataires piégés par la marée.
Sous leurs pas, de petites bêtes surexcitée bondissent à tout va, tandis que dans la mare, à demi couvert par un rocher, un crabe menace, exaspéré:
- Dites les Crevettes de bac à sable, retournez sur la plage, arrêtez de sauter autour de moi, ça va finir mal cette histoire!
- Non mais tu l’as entendu le gros! Il est chelou ! Et puis d’abord, on n’est pas des crevettes, on est des puces! Sérieusement, c’est quoi cette manière de privatiser l’endroit? Si on veut se rafraichir les pattes dans les flaques, c’est notre droit!
- Chelou ou pas, il fiche les jetons le dormeur, on ferait mieux de filer smandou avant qu’il ne nous hache à coup de pinces. A moins que…
- A moins que quoi?
- A moins qu’en le faisant sortir de son trou, on attire sur lui l’attention des pêcheurs…
- Eh oui!… Elle est énorme ton idée! Sûr qu’à lui seul, il fera un plat tout ce qu’il y a de plus gourmand, le dormeur!
- Après cela, à nous la liberté d’aller et venir entre les rochers!
Non loin de là, derrière quelques anémones souriantes, une petite crevette prend part timidement à la conversation:
- Dites les puces, entre crustacés, et surtout, face au péril humain, on peut se serrer les carapaces, non? Vous n’allez tout de même pas mener ce pauvre tourteau à l’échafaud !
C’est un truc à finir dans une marmite d’eau bouillante! Et croyez- moi, de tout cela, personne ne peut sortir gagnant… En un instant, c’est l’escalade – un plat de crabe a vite fait de devenir un plat de fruits de mer dont nous pourrions tous faire les frais! Moi par goût et vous par accident!
- J’avoue répond la puce… Ça fait réfléchir… Avec un peu de chance, à la prochaine marée, les cartes seront mieux distribuées!
Spéciale dédicace pour vous, @Ma Pie, en remerciement pour ce succulent plateau de fruits de mer, un autre régal de la même veine et de la plume de Ricet Barrier (je conseille tout particulièrement son interprétation par le breton léonard Yvon Étienne, c’est désopilant):
La Java des hommes-grenouilles
Traînant les pieds
Au fond d’la mer
Deux hommes grenouilles
Se désespèrent
Ca n’est pas drôle
Chez les poissons
Pas une seule fille
A l’horizon
Coiffée d’un scaphandre coquin
Une femme grenouille surgit soudain
Les deux dragueurs
D’un seul élan
Se précipitent
En glougloutant
Cœur des crevettes!
Prenons des chaises
Pour être à l’aise
Car le spectacle va commencer
Cœur des crabes!
Chouette!
C’est un drame
Deux hommes
Une femme
Va y avoir du macchabée
Viens dans ma grotte
Ma p’tite poupée
Dit l’un des deux scaphandriers
Sous ton tailleur
En caoutchouc
T’as des flotteurs
Qui me rendent fous
Range ton tuyau
S’écrie l’ second
En dégainant
Son p’tit harpon
Si tu embarques
Cette sirène
Je vais t’ couper ton oxygène
Cœur des crevettes!
Pour une grenouille
Quelle ratatouille
Lequel des deux
Va se dégonfler
Cœur des crabes!
Y a du suspens
Ouvrons nos panses
Préparons nous
A bouloter
Trois ombres
Se bagarrent
Dans le fond
On dirait
Qu’ils dansent le boston
La femme grenouille
Perd son bénard
Ca fait rougir
Un p’tit homard
Mais une grosse pieuvre
Du genre barbouze
Dit en la recouvrant de ventouses
Tout l’ monde au bloc
J’veux pas d’ femmes nues
Ca fait du tort
A nos morues
Cœur des crevettes!
Quel trouble fête
V’la qu’ ça s’arrête
Peut être qu’après
Ca devenait cochon
Cœur des crabes!
Pas sang
Pas d’ crime
C’est la famine
Le spectacle fini en queue d’ poisson
Rentrons dans l’ sable
C’est pas rigolo
Merci, merci Sklaera!! Aucun doute, en Bretagne ils savent faire chanter les crabes et les crevettes avec brio! 😉
ça grouille partout sur le sable… futée la petite crevette…
Tout un programme avec un algoscopage pas gagné d’avance !
Une histoire de marée un peu barrée et fort bien narrée… Me suis bien marrée ! 😅