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  Depuis la nuit des temps vivait sur l’île de la Serpentine, une colonie de vipères aux formes, tailles et couleurs variées. L’entraide et la solidarité pour se nourrir, se loger et élever les petits étaient les valeurs qui prévalaient entre tous les membres de la communauté. Ils vivaient en belle harmonie avec les coléoptères, les myriapodes et d’autres petites bêtes. Lorsque surgit l’ombre planante et sombre d’un gigantesque oiseau, la peur et la surprise rassemblèrent tous les reptiles dans la combe centrale de l’île.
   L’oiseau fier et souverain se posa avec grâce sur la proéminence d’un gros rocher et s’adressa aux habitants de l’île:

« Je suis Albatros Le Grand, premier du nom et je me déclare roi de l’île de la Serpentine. À partir de ce jour vous me devez respect et allégeance ». Les serpents effarés se regardaient circonspects et muets. Albatros Le Grand continuait: « Je suis grand, je suis puissant, mes ailes me portent où je veux, je connais des pays au-delà des mers chaudes, on me craint, on me respecte, un poète célèbre a écrit des vers en mon honneur. Vous, vipères, êtes de petits êtres ridicules, vous ne savez que ramper, votre peau est froide recouverte d’écailles ternes ».

   L’albatros avait rapidement réorganisé la vie sur l’île et réparti les tâches entre les différents bataillons. Certaines vipères devaient à présent réunir des vivres pour le grand oiseau, d’autres s’attelaient à lui construire un nid-château et les dernières s’occupaient de son bien-être en lissant ses plumes ou en suçant les petites bêtes qui se logeaient entre les doigts de ses pattes. Les vipères étaient devenues individualistes, leurs belles valeurs envolées. Leurs seules ambitions étant à présent de satisfaire les besoins d’Albatros au détriment de leurs propres nécessités. Les vipères commencèrent à dépérir puis à mourir, victimes des cadences infernales qu’exigeait l’oiseau-tyran.

   La solution radicale vint en la personne du mille-pattes, ce fin observateur était érudit et lui vint une idée. Il réunit les vipères dans la combe et leur exposa son plan.

  Albatros Le Grand fut réveillé à l’aube par le bruissant chœur des vipères auxquels se joignirent les scarabées, les hannetons et autres insectes qui répétaient en écholalie les vers de Baudelaire : « Comme il est gauche, gauche, gauche et veule, veule, veule, veule, qu’il est comique, mique, mique et laid, laid, laid, laid… »

   Mortifié et l’oreille basse, l’usurpateur ailé décolla lourdement et disparut définitivement de l’île de la Serpentine.

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