L’important c’est le noeud @payette

Je suis le cravatier de son Altesse Royale. Dit comme cela vous avez l’impression que mon emploi est plutôt un titre honorifique, que je ne fais pas grand ‘chose : je lui noue la cravate autour du coup, et hop ! c’est fini pour la journée. Eh bien détrompez-vous ! J’ai en charge plus de 250 cravates. Oui ! Très exactement 278, rien que cela ! Et il en change trois fois par jour  dans le meilleur des cas, et c’est les jours où il ne sort pas, n’a pas de visite, pas de cérémonie.

Dans mon travail, l’important c’est de bien choisir, harmoniser la cravate avec l’homme, la tenue, la circonstance. Et puis il y a le nœud, c’est l’aspect fondamental du port de la cravate, une cravate mal nouée et vous ne ressemblez à rien !

J’ai passé plus d’un an, mais oui, plus d’un an avant de maîtriser les nœuds, et encore il m’arrive de consulter mes fiches, ou internet (ce qui me facilite bien la vie), mais vous voyez lorsque son Altesse est invité à Hanovre, je lui fais un nœud de cravate Hanovre si la cravate si prête, ainsi que la tenue et surtout la chemise !

J’ai appris par cœur les 16 leçons du Baron Emile de l’Empesé, ne riez pas c’est son nom, et l’ouvrage bien que datant de 1827 est toujours réédité ! Ensuite j’ai appris les 188 façons de nouer sa cravate, et l’ouvrage est toujours en vente. Les deux sont des indispensables pour tout cravatier qui se respecte !

Tout est important en matière de cravate, la cravate, la chemise, le col de la chemise, le costume, l’occasion et l’homme ! Heureusement de ce côté je n’ai pas trop de problème, même si son Altesse n’est pas ce qu’il convient d’appeler un Apollon, il n’est pas mal physiquement, c’est déjà un souci de moins. Après il faut nouer la cravate, et il y a de quoi s’y perdre si l’on n’a pas pratiqué un minimum et appris ces classiques. Il y a le nœud Windsor, pour les grandes occasions, le nœud simple ou oriental, le Victoria, et naturellement le Prince Albert, le Balthus, l’Atlantique, l’Eldredge, le Four in Hand, le Hanovre, le Cavendish, le William Thompson, le Saint –André, le Grantchester, et j’en passe…

Chaque Vendredi je reçois le planning des rendez-vous de son Altesse. Là je choisis les cravates, avec des options au cas où il ne serait pas d’accord ! Parfois j’ai droit à de petites mentions du genre cravate 162 pour le rendez-vous du mercredi 12H,  cravate 98 club de football de  X… pour le vendredi 19H, vous voyez le genre.

Tout le monde connait le goût immodéré de son Altesse pour cet accessoire, et tout le monde lui en offre ! Son placard ne va bientôt plus avoir de place. Mais il y a aussi son classement qui pose problème, dans certains cas le 162 devient la 1. Comme en ce moment.  Dans l’armoire les cases 1 à 20 sont les éphémères,  tout est fonction des conquêtes de son Altesse, au bout d’un certain temps elles sont rétrogradées, ou jetées, une fois il en découpée une à coups de ciseaux rageurs, un grand moment ! Certaines sont conservées, il les remet parfois avec nostalgie ! Et elles sont vides, il y a juste la case 1 qui est pleine.

En ce moment c’est la 162 qui a la côte. Ce n’est pas bon signe ! Ses amours sont en bernes je crois, et même dangereusement ! Il va peut-être finir par se marier ! A son âge il serait temps ! Au fait le 162 c’est la dernière que lui a offerte sa mère !