Lulu l’acrobate

« Tiens ! Lulu est revenu ? »
Saltimbanque, comédien, acrobate, Lulu produisait son spectacle de rue dans tous les villages du canton. Sa popularité gagnait les villes environnantes.
Dès son plus jeune âge et d’un naturel optimiste, il avait accepté un physique pour le moins ingrat. Ses membres avaient oublié de grandir ; ils étaient très courts, noueux, affublés de muscles saillants. Son visage était laid, avec une mâchoire complètement rentrée, le menton proéminent et un nez qui touchait presque ses minces lèvres. Qu’importe ! Très vite, il comprit, après de savants exercices et grimaces devant son armoire à glace, qu’il tenait la clé pour se faire accepter. Il se produisait déjà dans la cour de récréation et c’était l’hilarité générale. Tous voulaient être « le meilleur ami ».
Lulu fut surnommé Popeye tant la ressemblance était frappante. Et il se dit :
– Une méchante fée s’est penchée sur mon berceau : et bien moi ! Popeye je serai !
Au fil des années, il se construisit un personnage plus vrai que les dessins : un matelot qui arrivait tout droit de son trois-mâts, sa pipe entre les dents, une casquette blanche, une vareuse et un short bleu. Dans un souci de détail, il s’était fait tatouer une ancre marine sur chaque avant-bras.
Les villages attendaient avec impatience son retour.
Ce n’était pas du grand art mais ses bouffonneries réjouissaient le public. L’élasticité de son visage lui autorisait des grimaces drolatiques et inimitables. Les enfants se battaient à la fin de la représentation pour faire circuler la casquette de Lulu qui se remplissait généreusement de pièces.
Peu gâté par la nature, Lulu avait compris que mauvais rôle avait besoin d’être bien joué !

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