Elle avait fait son temps avec lui. Après un lustre de cœur ébloui, elle allait décrocher la lune, enfin, mais seule. Elle allait se baigner nue, la nuit, au jardin, dans la lumière blanche de l’astre de nuit. Cette lumière qui ferait perdre leur couleur morne à ses bleus, qui les effacerait définitivement. Elle allait aussi marcher sur l’herbe gelée chaque soir et sentir ses plantes de pieds saisies de froid, juste pour le plaisir de vibrer.

La blancheur des rayons de lune allait l’aider à ressusciter. La pureté de la lumière astrale allait pénétrer en elle comme jamais aucun homme ne l’avait fait. Et réveiller le plaisir puissant qu’elle avait de vivre en frémissant, en pleurant, en riant, en recevant la pluie et le vent sur son corps nu.

Elle allait aussi et surtout devenir l’entière propriétaire de son âme. Aucun manant ne pourrait plus la souiller ni la gifler. Plus de bleus cachés sur les bras. Plus de jours à l’abri des regards pour cacher ceux de son visage. Le passé se dissiperait.

Le passé cèderait la place au présent. Transmuté au travers d’un immense halo de lumière transparente et pure.

Elle n’était pas la fille de joie qu’il soupçonnait, qu’il accusait d’avoir un regard malade, d’être hystérique et calculatrice. Non.

Elle était la fille de joie des astres : elle était réjouissances du soleil et rêves de lune ; contes cristallins des étoiles ; profondeurs du ciel indigo. Aussi en son être le souffle de l’air et les mouvements des herbes hautes. La vigueur des vagues gelées et la puissance des vents du Nord. Les nuances de l’océan et les ciselures des rochers acérés. La douceur du sable blanc et la rondeur des galets. Des algues en bracelets sur ses poignets…

Elle portait cette joie-là. Telles des paillettes d’or et d’argent qui s’égrenaient en pluie sur sa peau et dans sa chair. Chaque jour. Chaque nuit.

Oui, elle est maintenant rassemblée en elle-même. Fermement décidée à le rester. Tel un maître de musique agitant les mains pour réunir ses musiciens, elle embrasse désormais de ses bras toutes les pépites d’amour qui flottent dans les airs. Ses sourires remercient et accueillent. Plus rien en l’en empêche. Ses pensées sont libres.

Lumière de temps portée par les vents…

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