MARIE ADELAIDE EUGENIE
Le père de Marie-Adélaïde fréquentait le bordel de Madame Ginette qui outre les filles, offrait une table excellente et pas mal d’affaires se concluaient la main sur le sein ou entre les cuisses des dames. C’est à l’occasion d’une de ses soirées, que lui et ses confrères s’étaient mis à parler de leurs progénitures, avouant qu’ils étaient quelque peu charrette pour les marier avant que celles-ci n’aient passé l’âge convenable pour convoler.
A table il y avait un vicomte, homme blasé et sans grande ressource ; Il avait eu deux fils. Son premier fils c’était fort bien marié et n’entretenait que d’épisodiques rapports avec ses parents préférant de loin la compagnie de ses beaux-parents. Quant au deuxième fils, fainéant comme pas deux, mais qui écrivait bien, dont il lui fallait faire quelque chose, avait obtenu une place dans l’armée où celui-ci servait de secrétaire à un de ses amis Général. La dote de Marie Adelaïde Eugénie était conséquente, et elle pourrait vivre avec son époux dans le manoir familial, ce qui évitait au Vicomte le désagrément d’offrir un logement aux jeunes mariés. L’affaire fut conclue, et le Vicomte vient déjeuner le samedi suivant chez les parents de Marie Adelaïde Eugénie en compagnie de sa femme et de son fils.
Ce dernier n’était pas plus enchanté que cela à l’idée d’épouser sa promise. Toutefois, lorsque les hommes discutèrent des apports de chacune des parties, le »Futur » changea d’avis. Après tout il ne la verrait pas souvent, juste les jours de permission. Il ferait avec. Quant à Marie Adelaïde Eugénie on ne lui demandait pas son avis, juste de pondre quelques enfants (pas trop songea le fils du vicomte). Le mariage fut fixé pour le printemps prochain.
On était en Juin, Marie Adélaïde Eugénie épousa Charles Victor en grandes pompes. Puis elle se consacra aux biens de son époux, assainit les finances du Vicomte, trouva quelque argent auprès de son père pour réparer le manoir. Au final le mariage n’était pas si mal que cela, elle dirigeait d’une main de fer une propriété, voyait fort peu son époux, et faisait ce qu’elle voulait le reste du temps
La guerre éclata quelques mois plus tard, Charles Victor suivit son Général au front. Il eut la bonne idée de mourir, touché par une balle perdue, alors qu’il ramenait son Général saoul comme une barrique au campement. La Grande Muette étouffa l’affaire qui devint un acte héroïque. L’armée était contente, le Vicomte et Marie Adélaïde Eugénie aussi. Charles Victor avait son nom gravé sur le monument aux morts et faisait partie des héros que demander de plus.
De ce jour Maire Adelaïde se drapa dans sa dignité et dans un deuil qu’elle ne quitta plus jusqu’à la fin de ces jours. De ces vêtements noirs n’émergeait plus que ses mains et une petite tête coiffée d’un chignon qu’elle serrait autant que les cordons de sa bourse. si elle ne portait pas réellement le deuil de celui-ci, elle portait surement le deuil de ses illusions aux vues de la rente qui était la sienne. Lorsqu’elle mourut chacun soupira, si ce n’était de chagrin, ce fut assurément de contentement. Il ne resta dans la mémoire de tous que le souvenir de cette femme au caractère aussi sec et cassant que son allure.