MEDAILLE OLYMPIQUE @payette

Jules et Noé sont jumeaux, ils ont maintenant six ans, pourtant lorsque vous les regardez, même s’ils se ressemblent beaucoup, vous avez l’impression de Noé est le petit frère de Jules.

Noé est plus petit, plus frêle, et puis Noé comprend plus lentement, il est beaucoup moins dégourdi. Chaque chose semble lui demander un effort de concentration avant de comprendre. Mais il est courageux, il a une volonté hors norme, il cherche toujours à bien faire. Parfois il me dit

• Tu sais Mamie, je ne vais pas vite, mais j’y arrive.

Quelques jours avant la rentrée, il est venu me voir, du haut de six ans, il avait un air très sérieux, il m’a dit :

• Mamie, tu sais je vais moins vite que Jules, je comprends moins vite aussi, alors je vais le dire tout de suite à mes nouveaux copains, parce que des copains je vais en avoir, alors il faut que je le dise que je fais les choses doucement, mais que j’y arrive quand même. Et puis je vais y arriver, et j’aurais plein de copains, tu m’aideras Mamie ?
• Bien sûr, Chaton, je t’aiderais.
• Moi aussi, je reste à côté de toi, tout le temps.

Le jour de la rentrée, il a demandé à la maîtresse s’il pouvait dire quelque chose. Il s’est avancé tout seul devant vingt-cinq autres enfants qu’il ne connaissait pas, ses futurs copains. Il a dit qu’il était plus lent, qu’il allait plus doucement, que ce n’était pas sa faute, que c’était comme ça, mais qu’il était content d’être à l’école.

Le lendemain certains parents ont demandé pourquoi cet enfant était là, il allait ralentir les autres.

L’année s’est écoulée. Noé a travaillé dur, il avait deux cahiers, le soir il refaisait les exercices de la journée. Il a rempli des feuilles et des feuilles de lettres pour pouvoir « écrire comme il faut », il a compté, recompté, lu relu, jusqu’à ce que les lettres, les mots, les chiffres lui rentrent dans la tête et n’en sortent plus. Il était courageux, volontaire, fier aussi quand il avait un B. Il me sortait son cahier dès qu’il me voyait, me disant «  regarde, regarde Mamie «, Jules aussi était fier de son frère. Alors nous allions acheter un gâteau, en rentrant je faisais un chocolat ou on buvait une limonade, un soda. Jules était aussi heureux que Noé.

Mois de Juin. L’école fait ses jeux olympiques.

Dans le parc de la Mairie, les enfants sont en compétition, les parents hurlent le nom de leur progéniture. Chacun veut sa médaille. Une belle médaille en carton. Certains rouspètent parce que Noé en équipe ” s’est pas un cadeau”. Noé s’accroche, encouragé par  la famille,  Jules a remporté le lancé de balles, Noé est content, il saute de joie. Enfin la dernière épreuve, la course

Le départ est donné, les enfants s’élancent. Noé est dernier, il court autant qu’il peut, comme si sa vie en dépendait, concentré sur la ligne d’arrivée. Je le regarde ses petites jambes donnent l’impression de ne pas courir ensemble, il a le front plissé, ses petits poings sont serrés. Je ne fais pas trop attention à aux autres enfants, j’entends de cris, des »  Allez, encore un peu ce n’est pas l’arrivée ! «, Je regarde enfin, je vois les instituteurs qui font de grands gestes aux enfants qui s’arrêtent tous à environ deux – trois mètres de l’arrivée. Les enfants se retournent et se mettent à encourager Noé, des parents s’y mettent aussi, on entend plus que des  “Allez Noé”.

 Je me retourne, Noé à un grand sourire, il essaye de courir encore plus vite. Les autres enfants forment une ligne dans le jardin en se tenant par la main. Noé retrouve sa place à côté de Jules et d’un autre de ses copains. Les enfants franchissent la ligne d’arrivée tous ensemble. Ses parents sont en larmes, d’autres parents aussi. On entend plus que des ” On a gagné, on a gagné”

A la maison, le soir, quand Noé est allé se coucher, accrochées aux montants du lit, il y avait deux médailles, une pour la course, une parce qu’il a été élu meilleur camarade de toute la classe. Avant de s’endormir des étoiles dans les yeux il m’a dit «  j’y suis arrivé, Mamie »