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Je suis la gardienne d’une maison ancienne, à l’orée d’une forêt.

Du plus loin qu’il me souvienne j’ai toujours existé mais il paraît qu’avant moi c’est par une simple trappe dans la massive porte de bois que l’on glissait le courrier.

Les premiers hôtes auxquels j’ai servi étaient un vieux couple d’érudits. Elle était violoncelliste et lui philatéliste. Ils avaient beaucoup bourlingué et s’en étaient fatigués. Ils ne voulaient plus bouger et vivaient ainsi en reclus tandis que dans ma bouche arrivaient cartes et plis du monde entier, aux timbres superbement oblitérés.

Ils sont morts presque main dans la main tant l’amour avait scellé leurs deux destins.

Par de jeunes citadins flanqués d’une horde de gamins ils furent assez vite remplacés. Mioches ébouriffés, jamais débarbouillés, baveux et morveux à souhait et parfaitement indisciplinés, qui parfois de mille cailloux me mitraillaient. Impassible je continuais d’avaler factures et rappels d’impayés, mises en demeure et publicités, lesquels entre fourmis, cafards, escargots et araignées finissaient par s’amonceler.

Jusqu’à ce que viennent les huissiers pour les expulser. Dieu seul sait où ils s’en sont allés.

Enfin survint Monsieur Henri, ainsi qu’on l’appelait ici.

Homme entre deux âges, présentant un doux visage, il sembla vite placer en moi un espoir indéfini.

Chaque fois que le facteur passait – car impatiemment il le guettait – lentement dans ma direction ensuite il s’avançait et d’une main tremblante il m’ouvrait. Pour tout immédiatement me refermer, soupirant et résigné.

Un jour, ployant sous le poids des ans et du passé, il décida de mettre fin à sa vie.

Triste ironie du sort car c’est le lendemain pourtant que m’arriva cette missive:

 

“Henri chéri, c’est moi Marie.

Je reviens au pays.

De toi je me suis beaucoup languie.

Si tu m’aimes encore un peu, attends-moi ce vendredi à la gare.

J’arriverai par le dernier train du soir.”

 

Hélas il était trop tard, elle ne put que suivre le corbillard.

 

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