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La vie d’une machine à écrire

Je crois vraiment qu’Elle se moque de moi !

Une machine, voilà ce pour quoi Elle me prend. Une machine à écrire. Je pourrais tout aussi bien être une machine à laver. Mais au moins elle aurait pris soin de me recycler.

Elle m’a oubliée depuis 20 ans dans ce grenier où les étés trop chauds et les hivers trop froids ont eu raison de mon état de marche.

Je pensais qu’Elle avait tout oublié de notre histoire mais c’est pire que cela.

Je l’ai entendu dire à plusieurs reprises qu’il allait falloir se décider à jeter tout ce bazar et je sais que j’en fais partie.

Cependant, il y a un mois de cela, j’ai eu l’espoir qu’elle n’avait pas totalement effacé notre histoire.

Elle est montée dans mon grenier, je l’ai entendu marmonner, fouiller dans les cartons, passer et repasser devant moi, non sans me jeter un coup d’œil, je dois le reconnaître.

Puis, Elle a dit : « Ah il est là ». Elle dit « il » quand elle parle de notre histoire.

Je me suis souvenue de mon arrivée et de mon installation à la table de son séjour il y a plus de 30 ans de cela. Son père lui avait donné de l’argent pour qu’Elle puisse venir me chercher.

Et là, durant des jours et des jours, ses doigts sur les touches de mon clavier, les chansons de Patrick Bruel en fond sonore, elle a écrit sans presque jamais s’arrêter. Elle a écrit une histoire, notre histoire.

Aujourd’hui Elle parle simplement d’un vieux manuscrit et c’est lui qu’Elle est venue chercher il y a un mois. Alors j’ai su qu’elle n’avait pas oublié notre histoire.

Quelques jours plus tard elle est revenue, brièvement. La chemise en carton d’un rose délavée a été remisée dans son carton au son d’un « Cela ne vaut rien, c’était nul ».

Elle n’a pas oublié, Elle a renié notre histoire.

J’imagine qu’un de ces jours, nous partirons notre histoire et moi, pour notre dernier voyage. Une prise électrique ne suffira pas à me rendre vie, l’encre en ruban dont je me nourrissais ne se vend plus.

Je nourris pourtant l’espoir, d’un regard, d’un dernier mot d’au-revoir.

Elle ne m’a pas oublié, simplement le temps est passé, le mien et celui de notre histoire.

Je lui souhaite d’écrire des romans et des nouvelles, d’aligner encore et encore les mots sur le clavier de son ordinateur.

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