Un dindon se pavanait dans la cour d’une ferme . Il y faisait sensation, étant seul de sa race il s’offrait volontiers en spectacle et jouissait de l’émerveillement suscité par ses formes , et glougloutait à qui mieux mieux . Vinrent à passer, non loin de là, des oies sauvages . On était à l’automne, et ces dames regagnaient leurs quartiers d’hiver, quand l’une d’elles, par mégarde s’égara . Elle atterrit, toute déconfite au beau milieu de la cour de cette ferme : un miracle…Les volailles tout occupées à admirer le dindon retournèrent instantanément leurs plumes par curiosité pour la nouveauté du jour “une oie nous est tombée du ciel”, disaient-elles, et elles se détournèrent du dindon, fort attristé mais fort résigné .
Les questions fusèrent sur le pauvre volatile qui n’en demandait pas tant, lui qui pensait prendre un peu de repos avant de repartir dut répondre à tant et tant de questions qu’il finit par se retirer et s’endormir, rompu de fatigue : il repartirait le lendemain .
Après une nuit passée bien au chaud dans une botte de foin , voilà que la fermière eut connaissance de l’arrivée de l’anatidé, et pensa justement qu’à l’approche de Noël c’était une bonne idée de venir engraisser dans sa ferme . Elle repéra la cache et revint armée d’un sac dans lequel elle comptait bien l’enfermer .
L’oie prit peur et voulut s’en aller, et comme elle était vigoureuse, sauvage, et savait se défendre , la fermière eut du mal et ne put l’enfermer . Elle pensa alors raisonner le volatile et lui dit “Allons, ma bonne oie, ne te fais pas prier, je m’occuperai de toi, tu verras, tu ne regretteras pas dans les trois mois qui suivent de t’être montrée docile, tu n’auras plus besoin de te fatiguer, je t’assurerai le revenu universel et tu seras très heureuse, après quoi tu n’auras plus de soucis ! ” Mais l’oie ne l’entendait pas de cette oreille : “Non ! Dit-elle d’un air décidé, je ne veux pas de votre hospitalité, je suis inadaptée à toute claustration, je préfère vivre libre, laissez-moi m’en aller !” Et pendant son discours le dindon arriva, encore vexé, le bougre, de s’être fait voler la veille son prestige par cette oie égarée qui lui volait la vedette .
” Maîtresse, laissez donc cet oiseau s’en aller, sa chair est dure et sèche et à n’en pas douter, elle sera indigeste . Regardez-moi plutôt, je fais du gras à souhait, j’anime la basse cour, et ne rechigne pas à être dégusté du moment que pour attendre je me fais admirer de tous mes congénères, c’est bien là ma seule ambition. ”
La fermière réfléchit et se dit qu’après tout son dindon n’avait pas tout à fait tort . Elle cessa donc de vouloir à tout prix capturer son oie, la laissa repartir et se dit qu’après tout, il ne fallait pas contrarier l’ambition terre à terre de son dindon, ce qui faisait fort bien l’affaire de l’oie qui s’envola, et ne se laissera pas prendre deux fois .
Jolie fable bien tournée dans un français admirable, bravo et merci pour ce bon moment de lecture.
Merci Sklaera, votre site est vraiment sympa quand on aime lire et écrire , on prend plaisir à vous lire, et on peut écrire sans se “prendre la tête”, si possible en se faisant mutuellement plaisir : c’est une découverte .Bonne journée .
J’adore, une vraie fable ! c’est magnifique
Je continue à faire remonter des textes qui sont de véritables plaisirs de lecture
Là, c’est mon tour de ne pas pouvoir remettre de cœurs alors je lefais ici comme vous @melanie chaine. C’est un “régal”, ce texte. 💖