Paire d’anges
« A chaque jour suffit sa peine, sans doute », rumine-t-il en s’adressant à son ange, « mais là j’en prends pour plusieurs jours… faudrait quand même ne pas abuser ! tu vois la situation, tu connais mes limites ! Trois jeunes de plus dans la maison, sans compter le voyage que je dois faire à Paris avec Kevin pour son hypothétique placement, trois qui restent à découvrir, à cerner au plus près, sonder ce qu’ils ont dans le ventre – ça ce n’est pas dans les dossiers – et Antoine qui a pris son congé parental, bien sûr on ne peut pas lui demander de revenir ; et puis le printemps qui est là, avec l’énervement que ça suscite, et le projet de jardin, et la mise en place de notre cuisine solidaire qui va encore être repoussé pour la troisième fois -ça, je me demande pourquoi on passe tant de temps à écrire des projets que personne ne lira et que même personne ne pourra réaliser !- et Angélique, qui n’en a plus que le nom et qui rentre de plus en plus tard… et moi, dont je m’éloigne, qui ne sais plus où est ma vraie maison, dont les forces diminuent, moi qui ai peur d’être déjà trop vieux, inutile, fini, moi qui serai si malheureux…
-Tttt, fit l’ange avec son aile, point de peur point de malheur, je suis avec Toi »
Du Mozart… une belle respiration d’espoir… l’éducateur s’est redressé, l’ange sur l’épaule, prêt à faire face.