C’était au temps où point n’était besoin de se rendre dans un commerce spécialisé pour acquérir cet animal familier. Le plus simple était d’arpenter les abords et les sillons d’un champ de blé à la fin de l’été et d’en surprendre un en train de glaner.

Un champ, cela tombait bien, il y en avait un juste en face de notre logement et c’est là que Popeye, notre premier hamster, fut capturé. Je devais avoir cinq ans.

Papa le ramena dans sa poche, tout tremblant, moustaches aux aguets, yeux et museau effrayés. Il était roux et blanc.

Nous lui allouâmes une cage avec une roue dedans pour qu’il puisse pédaler (quelle étrange idée franchement!) et un tunnel transparent pour pouvoir gambader.

Mais le grand air devait lui manquer car la pauvre bête sembla très vite déprimée.

Nous décidâmes de le libérer parfois en journée pour pouvoir le caresser et lui permettre de batifoler. Ce n’était toutefois pas toujours facile de le rattraper pour de nouveau l’emprisonner.

Un soir, peut-être après une année, papa décida – comme il aimait à le faire pour se reposer – de déboucher une bouteille de Cellier des Dauphins en écoutant sur le tourne-disque ancestral la Symphonie Pastorale, son œuvre préférée.

Pendant ce temps, Popeye trottait en toute sérénité, au comble de l’amusement. Il flairait, fouinait, grimpait, tout excité et comme dans un enchantement.

Et voilà que sur l’étagère il se mit à galoper mais dans un moment d’égarement, ne parvint pas à s’arrêter, chutant tout droit sur le 33 tours qui en était au quatrième mouvement.

Il patina ainsi quelques instants, causant de multiples raies de ses griffes acérées sur la jolie rondelle noire et lustrée, puis son cœur affolé vint à s’arrêter.

“Mon disque!” – hurla mon père

“Mon hamster!” – rétorqua ma mère en pleurant, serrant dans ses mains ce petit compagnon inerte qu’elle aimait tant.

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