Elle savait l’alchimie qui fait de quelques légumes un mets délicieux. Elle possédait cet art de l’hypothèse, cette magie de la synthèse qui donne à ressentir le goût du plat envisagé alors même que les ingrédients sont encore en terre. Elle en avait rêvé cette nuit ; aussi au petit matin, dans une aube encore embrumée, elle partit au potager, sûre de son affaire. Sa première visite fut pour les carottes, blanches, jaunes, orange ou violettes, son inspiration portait de multiples couleurs. Déjà dans son esprit les saveurs se mêlaient, comme les nuances sur la palette d’un peintre. Sa cueillette déposée au fond du vieux panier en osier, héritage de sa grand-mère adorée, elle s’amusa à rejoindre son nouvel objectif les yeux fermés, s’orientant grâce aux senteurs du jardin. Elle y alla tout doucement, d’abord pour ne pas tomber dans les diverses plates-bandes mais aussi et surtout pour prendre le temps de respirer. Se guidant sur l’odeur puissante de la menthe poivrée, elle vint à s’agenouiller au milieu des herbes médicinales et aromatiques, dans le carré qui leur était dédié. Choisissant avec soin le feuillage le plus beau, elle cueillit un joli bouquet de coriandre d’un vert tendre. Pour plus de puissance gustative elle savait pouvoir trouver de l’ail printanier dans sa fraiche réserve où quelques semaines auparavant elle l’avait remisé. Aussi s’en revint-elle en cuisine, en fredonnant gaiement, savourant par avance l’excellence de sa recette si simple et l’avalanche de compliments qu’elle lui vaudrait bientôt.

5
0
L'auteur-trice aimerait avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x