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LE PRINTEMPS 

 

 

1 

 

Ce matin le printemps est arrivé, en catimini, entre deux rayons de soleil, encore un peu frais.  

En se cachant derrière les arbres pour ne pas être surpris par l’hiver mourant doucement dans les craquements sinistres du dégel. 

La mésange, frêle et jeune sans doute, construit son nid de brindilles et de paille dans l’arbre devant ma fenêtre. 

Elle s’affaire avec beaucoup de patience et d’énergie pour trouver la brindille, le fils de laine ou la petite feuille morte qui construiront sa maison et la rendront douillette et attrayante. 

Même si je n’en vois qu’une, peut-être sont-elles déjà deux, jeune couple amoureux préparant leur premier lieu de vie en commun. 

Je vois un bourgeon qui s’étire mollement au soleil, prudemment, en regardant autour de lui s’il n’y a pas quelque chenille croqueuse, quelque mésange picoreuse ou quelque monstre glouton. 

Feuille à feuille il déploie ses ailes minuscules qui frissonnent dans le vent léger et frais du matin. 

Il tourne sa petite tête verte à droite et à gauche, regarde la branche qui le porte, baille doucement, s’étire et s’ouvre largement pour respirer le bon air printanier. 

La mésange le survole avec dédain toute occupée à chercher la brindille qui finira son œuvre pour attirer quelque compagne et construire sa famille. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 

 

 

Et regardant les grands arbres dans la propriété face à moi, je repense à mon enfance passée dans mon île en Bretagne où je retourne vite dès que les beaux jours arrivent. 

Mais ici, en ville, dans cette rue, un silence étrange règne. 

Pas de passants sur les trottoirs.  

Pas de voitures vrombissantes sur la chaussée 

Pas d’enfants criants et courants dans tous les sens sur les trottoirs. 

Une espèce de silence moite et obscure règne, hors le pépiement des oiseaux, le craquement des bourgeons, le froissement des fleurs s’ouvrant au soleil et le bruissement des chenilles le long des branches en quête de jeune pousses fraichement écloses et tendres à croquer. 

Le vent, brise légère ne se lèvera pas en bourrasques tumultueuses ou en tempêtes ravageuses. 

Il n’y a pas un nuage et l’air frais du matin emporte avec lui les odeurs inhabituelles d’herbes et de fleurs sauvages. 

Les abeilles bourdonnent tranquillement, butinant de fleur en fleur, puis repartent chargées de leur butin, les pattes ornées d’or, le vol lourd et lent vers leur ruche pour poser leur présent aux pieds de leur reine. 

Il semble que la campagne est revenue dans la cité avec sa cohorte d’oiseaux, ces oiseaux qui ramènent des graines variées qui attireront d’autres oiseaux inconnus des villes. 

Aussi sa nuée de moucherons et autres insectes du passé qui avaient disparus de nos villes, devenus inconnus de nos enfants. 

Que peut-il bien y avoir dans l’air pour que le silence règne et qu’une odeur de peur s’attache aux quelques rares passants déambulant d’un pas rapide et saccadé.  

Quelle hydre est venue s’abattre sur la terre terrorisant les enfants, angoissant les adultes et paniquant les vieux. 

Ce printemps naissant aurait-il la noirceur des orages d’automne, le silence des frimas givrés, l’obscurité des nuits sans lune sous les nuages présageant un déluge de pluie et de vent, de tempête. 

Dans cet idyllique espace de bonheur et de grâce qui aurait dû ouvrir à la gaité, il ne reste que la fade odeur laissée par le poison ambiant qui couvre la surface de la terre de son voile maléfique. 

Pas d’odeur, pas de couleur, pas de sentiment, rien. 

Que du silence, un silence pesant, un silence de mort qui rode au beau milieu de ce printemps aux parterres de fleurs joyeuses, aux arbre sifflants au passage du vent, au ciel bleu d’azur et à la mer calme qui pousse doucement ses rouleaux écumeux sur la plage de sable doré et lisse, déserte, abandonnée par les hommes, lugubre de silence, sans bateaux à l’horizon. 

Et la mort qui rode, sournoise, frappant les enfants ou les vieillards, emplissant les hôpitaux de malades suffoquant et mourant. 

Tapi dans un pli de vêtement, à fleur de peau, au coin d’une lèvre embrassante et tendre cette nouvelle malemort se répand sournoisement. 

Alors, chacun s’est cloitré. 

 

 

 

 

 

3 

 

Quand certains donnent leur énergie et leur courage pour sauver une vie qui s’enfuie doucement, sable filant entre les doigts d’une main assassine, d’autres les accusent, voisins de palier acariâtres, de risquer de les contaminer. 

Quand des vieillards se meurent doucement dans la solitude et l’isolement d’un étouffement soudain, d’autres refusent la thérapie salvatrice. 

Mais les fleurs et les animaux ne s’inquiètent pas du mal qui ronge les hommes et continuent de croitre et d’embellir. 

Tel un nuage gigantesque venu de l’autre côté de la terre, étouffant la surface du globe de sa fumée noire, le virus s’insinue partout. 

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