5.
Elle déchira la lettre avec rage. Les mots lui donnaient le vertige. Elle préféra s’asseoir dans le sofa après avoir parcouru les premières lignes.
Le désespoir de Renée, à la lecture du courrier que lui adressait le collège, se transforma vite en une colère de la même ampleur.
L’établissement renvoyait Henri, d’une part en raison de ses piètres résultats, mais aussi parce qu’un drame suspendait l’activité de l’internat pour une durée indéterminée.
C’est grâce à cette fureur que Henri découvrit la littérature. Sa mère, à bout d’arguments, inventa une nouvelle sanction. Elle l’enferma dans une chambre avec des piles de bouquins aux sujets hétéroclites et lui imposa d’en faire des résumés afin de s’assurer qu’il accomplissait bien la punition.
Surement qu’au début Henri s’acquitta de sa tâche simplement par crainte ou par défi. Quoiqu’il en soit, passé plusieurs semaines, il dévorait aussi bien des romans policiers que des livres historiques, avec un réel appétit de connaissance. Il se noyait dans ces pages avec délectation. Les aventures qu’il découvrait étaient un moyen d’oublier l’ambiance orageuse du logis.
Renée, depuis que Philippe avait prononcé son exil, ne parvenait plus à donner de sens à son existence. Elle sentait monter en elle une haine de vieille fille. Elle prétendait avoir encore droit à un peu d’amour. Elle trouvait que c’était long à venir… si long qu’elle pensait qu’il ne reviendrait jamais.
Elle s’était imposé une dure discipline pour que cela s’achève par son mariage raté. Il s’en suivit les humiliations. Sa mère lui reprochait chaque jour ce revers. Elle l’attribuait à son intolérance. Ça la rendait folle de rage.
Une seule certitude était née dans son crâne dévasté : ce ne pouvait être que ce fils maudit qui fut la cause de ses échecs.
Alors, elle décida que le garçon était perturbé.
Elle entreprit des démarches médicales. Henri subit une batterie de tests. Un psychologue l’aida à démêler les pensées enfouies dans son cerveau d’enfant. Il ne rencontra guère de difficulté à faire la part des choses. À la suite, un psychiatre boucla le débat en une simple séance.
À l’évidence, c’était son environnement qui était néfaste. Le gamin avait souffert d’assister aux scènes de ses parents. La mère paraissait bien plus désorientée que lui.
Ce matin, le professeur chargé de superviser le dossier l’avait convoquée pour un entretien.
Henri sentait Renée se raidir à mesure que le spécialiste énonçait ses explications. Il les avait installés dans un grand bureau lumineux. L’enfant observait craintivement les réactions de sa mère, ne serait-ce que pour anticiper une gifle qui, chez elle, jaillissait sans la nécessité d’une raison concrète. L’agacement suffisait. Là, elle semblait fort contrariée.
— Madame, votre fils ne présente aucun dysfonctionnement notable. Je suis catégorique, annonça le spécialiste. En revanche, les événements qui ont surgi dans votre couple ont pu occasionner des confusions dans l’esprit de votre garçon et provoquer quelques troubles du comportement. N’importe quel gosse en ferait de même. Que le calme revienne dans votre foyer, et je le garantis : tout rentrera dans l’ordre.
D’ailleurs, une question me taraude : de votre côté, pas de soucis professionnels ou sentimentaux ? Êtes-vous certaine que tout se passe bien, que votre vie vous satisfait ?
— Mais enfin, docteur ! je vous ai demandé d’analyser mon fils. Je ne vous permets pas de vous occuper de ma santé. Quelle audace !
Elle se leva aussitôt, rouge de confusion, attrapa Henri par la main et sortit en le traînant derrière elle.
— Maman ! Tu me fais mal.
Renée s’arrêta brutalement dans le corridor. Elle le fixa. En se penchant vers lui, elle brandit un doigt vengeur vers son visage. Les mâchoires serrées, elle parvint à articuler :
— Écoute-moi bien, petit con. À cause de toi, j’ai gâché ma jeunesse et au moment où la chance frappait enfin à ma porte en me faisant rencontrer Philippe, tu as fait… je ne sais quoi… à sa Virginie… Tu dois payer pour ça.
Henri, les joues noyées de larmes, regardait Renée. Il ne parvenait pas à expliquer comment cette femme blonde pouvait le haïr à ce point.
Rentrée à l’appartement, elle se jeta sur le canapé en fermant les yeux pour ne pas crier. Une fois apaisée, elle se releva et contempla son visage dans le miroir posé sur la cheminée. Maintenant, c’était sa dernière chance, les ultimes années avant la vieillesse. Pourtant, ce mioche pleurnichard risquait d’entraver chacune de ses tentatives.
Henri l’entendit souvent rager à travers la cloison de sa chambre. Elle lançait des choses de part en part de la pièce. Le ballet des hommes éphémères reprit. Ces deux activités semblaient la calmer.
Henri s’asseyait sur le tapis, s’adossait à son lit et poursuivait ses lectures. Avec le recul, il comprit qu’il avait vécu ses plus beaux jours sans le soupçonner.
Mais la parenthèse psychiatrique vint aux oreilles de la grand-mère. Choquée par les agissements de sa fille, elle annonça qu’elle se chargerait à présent de l’éducation de Henri. Il habiterait chez eux, à Saint-Lô, au plus tôt.
Ce jour-là, en montant dans le train, Henri décréta que sa mère était morte.
Bon, j’ai encore mis 10 cœurs, après une lecture “en diago” (toujours mes Russes…), et pour les mêmes raisons : belle langue, théâtralisation des idées qui “force” le lecteur à devenir acteur, notamment.
J’évoquais Proust dans mon premier commentaire (la 3ème partie de votre roman), incidemment. Ici, je pourrais l’évoquer… délibérément. Oui, votre écriture est a minima “proustienne” !! Bravo, génial !
Cependant, je reste avec mes questions (posées dans le commentaire précité) auxquelles vous ne répondez pas. Je vais donc les résumez et les réduire à une : que faites-vous ici ? Sur l’Algo ?
Votre roman est déjà écrit et publié sur d’autre(s?) site(s?), n’est-ce pas ? Alors se pose la question : ne voyez-vous dans l’Algo qu’un moyen supplémentaire de le faire connaître ? Autrement dit : l’Algo ne serait pour vous qu’un vecteur médiatique au service de votre roman ?
Arf ! Voyez-vous, ce n’est pas inscrit dans nos statuts. L’Algo c’est tout autre chose : c’est un projet qui tourne autour de l’idée que tout un chacun porte en lui un potentiel de créativité littéraire (et autre) dont, en quelque sorte, elle favoriserait la réalisation. Cela se traduirait, dans un but ultime (oh ! bien lointain, j’en conviens…) par la création de la première Algomuserie !
Alors maintenant : allez-vous relever votre premier Algodéfi ? Allez-vous commenter un texte publié par un-e autre Algomusien-ienne ? Le cas échéant, nous pourrions peut-être enfin commencer de lire vraiment votre roman…
Voyez vous, j’ai lu une huitaine de textes d’autres Algomusienne cet après midi. Pour des raisons baissement matérielle (je ne suis pas chez moi), j’ai des difficultés à écrire sereinement. Alors, je reprend un premier jet que je vous confie au fur et à mesure de ma réécriture. J’ai relevé un défi, mais je veux avoir le loisir de réfléchir pour me permettre des commentaires pertinents.
Rassurez vous, j’entre paisiblement dans la ronde…