Julien se tenait devant le tableau noir comme paralysé par les regards qui, dans son dos le piquaient tels des fléchettes transperçant son amour-propre. Le professeur, silencieux mais terriblement attentif à l’instant, appuyé nonchalamment au bureau comme à son habitude, semblait comme en apnée dans l’attente du dénouement de la scène qui se jouait durant son cours. Devant la passion que beaucoup de ses élèves vouaient à la culture japonaise, après une séance dédiée à la création des mangas et qui avait remporté un très grand succès auprès des jeunes, il avait décidé de leur faire découvrir l’art poétique du haïku. Une présentation d’exemples judicieusement choisis puis ensuite d’un temps personnel de réflexion, maintenant était venu le moment de découvrir les créations des uns et des autres, plus ou moins inscrites dans les canons du genre poétique étudié. Julien était le cinquième à proposer sa réalisation à la classe. Ses camarades passés avant lui avaient fait sourire et même rire parfois de leurs courts vers où les mots s’entrechoquaient de curieuse façon. Quand Julien avait écrit ses premières lignes au tableau un lourd silence avait rempli l’espace de la classe.
Menteur est mon nom
Depuis la rentrée des classes
Le feutre levé, le poème suspendu attendait sa chute. Julien jeta les mots comme une bouteille à la mer.
Bientôt être ami
Menteur est mon nom
Depuis la rentrée des classes
Le feutre levé
le poème suspendu
attendait sa chute.
Bientôt être ami
Bien vue, Angelune, votre interposition d’Haïku dans un autre.
Bien subtile écriture.
J’ai énormément aimé et rajeuni d’au moins 45 ans, pas pour le mieux. Ce texte dégage une atmosphère particulière et nous promène de “l’école de la république” à l’Extrème-Orient à travers la peine d’un élève.
Il m’a posé plein de questions, en peu de lignes, sur l’histoire de cet enfant, sur son vécu.
Merci!
Intriguant, énigmatique… Difficile pour moi qui suis fais de bois.
Oh, bien sûr je vois la rupture d’un raisonnement didactique qui finit en poésie lyrique, peut-être même romantique ? Et je goute aussi la théâtralisation…
Mais l’amitié, sentiment (?) qui m’est étranger, même moi, je ne pourrais la réduire au mensonge. Je la vois plutôt comme une espérance folle, ou débile…
Mais peut-être ai-je mal compris, mal interprété…
En tout cas Angelune, merci de ce questionnement (et de ce beau texte).
Je regrette de ne pas vous lire davantage, mais pour moi vous faites “partie des meubles”.
L’Algomuse c’est vous et quelques autres (qui se reconnaîtront), et mon rôle (limité par d’autres engagements) à vous encourager est devenu subsidiaire. Je suis sûr que vous le comprenez…
Beaucoup de mots me viennent à l’esprit, sensibilité, tristesse mais aussi le courage de Julien. Le tout lié dans un texte magnifique. Merci pour ce partage.