Julien se tenait devant le tableau noir comme paralysé par les regards qui, dans son dos le piquaient tels des fléchettes transperçant son amour-propre. Le professeur, silencieux mais terriblement attentif à l’instant, appuyé nonchalamment au bureau comme à son habitude, semblait comme en apnée dans l’attente du dénouement de la scène qui se jouait durant son cours. Devant la passion que beaucoup de ses élèves vouaient à la culture japonaise, après une séance dédiée à la création des mangas et qui avait remporté un très grand succès auprès des jeunes, il avait décidé de leur faire découvrir l’art poétique du haïku. Une présentation d’exemples judicieusement choisis puis ensuite d’un temps personnel de réflexion, maintenant était venu le moment de découvrir les créations des uns et des autres, plus ou moins inscrites dans les canons du genre poétique étudié. Julien était le cinquième à proposer sa réalisation à la classe. Ses camarades passés avant lui avaient fait sourire et même rire parfois de leurs courts vers où les mots s’entrechoquaient de curieuse façon. Quand Julien avait écrit ses premières lignes au tableau un lourd silence avait rempli l’espace de la classe.

Menteur est mon nom
Depuis la rentrée des classes

Le feutre levé, le poème suspendu attendait sa chute. Julien jeta les mots comme une bouteille à la mer.

Bientôt être ami

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