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QUI SUIS-JE ?

 

Au secours, au secours !… j’étouffe

Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?

Holà, holà, vous êtes fous ?

Ca y est, j’comprends pourquoi j’ai si chaud, je suffoque, je crachouille !…

Pourtant j’leur avais bien dit à cette famille de branquignols, « faut pas me jeter avec les détritus ! ».

J’suis noble moi !

Même s’ils se servent de moi pour envelopper n’importe quoi, j’ai eu une vie avant d’être tombée dans leurs sales pattes !

Faut vraiment que j’me sorte de ce mauvais pas si je veux encore servir le monde à la hauteur de mes talents.

Vous me trouvez prétentieuse ?

Pourtant, si je vous racontais ma destinée, vous auriez le bec cloué !

Vous avez envie de savoir, hein ?

Vos yeux pétillent de curiosité ! Bon allez, j’veux bien vous faire l’honneur de vous offrir mes pensées intimes et secrètes d’autant que j’ai bien l’impression que je suis entrain de vivre mes derniers instants.

Ne souriez pas, ne riez pas, ne pleurez pas, restez à l’écoute de mon histoire car je pense, sans avoir les chevilles qui enflent, que c’est l’une des plus belles naissances que la terre ait portée.

Je suis une très vieille dame qui a beaucoup voyagé vous savez !

Et oui, je suis née en Chine 105 ans avant Jésus Christ. Mon papa c’est Tsaï-Lun, Ministre de l’Agriculture, fin observateur de la nature et plus particulièrement des guêpes qui arrachent des fibres de  bambous qu’elles ramollissent avec leur salive pour en faire une bouillie.

Vous ne voyez toujours pas qui je suis ?

Pour être très franche avec vous, je dois quand même vous confier, avant mon dernier souffle, que ma vie n’a pas toujours été une sinécure.

Mais bon, je crois que c’est le lot de nous tous ! Des hauts, des bas, des bonheurs, des malheurs …

Bref, à quoi bon ressasser ?

Enfin, faut quand même que j’vous dise une chose capitale : si vous ne me sauvez pas la peau de suite, j’vais partir en fumée et croyez moi, vous le regretterez le restant de vos jours. Pire encore, le monde entier en sera bouleversé !

Oui, oui, je m’égare, je m’égare !

Je vous avais promis de vous conter mon existence alors je vais plutôt commencer par les plus terribles choses qui me soient arrivées et je finirai par les bonnes parce que, finalement, le bon finit toujours par l’emporter !

Le plus dur, je crois, en dehors de ce que je suis entrain de vivre dans cette fournaise, ce sont les premiers instants de ma vie.

Broyée, filtrée, séchée au soleil, puis aplatie comme une crêpe, j’ai fait l’objet (enfin !) de l’admiration de mes parents. Mais très vite, mon calvaire a recommencé. Ils se sont mis à me gratter avec une plume, me laissant des marques indélébiles sur tout le corps. Au fil du temps, leur sadisme n’a cessé d’augmenter en me contraignant à voyager vers le Moyen-Orient, puis en Occident. C’est à Troyes, en France, en 1348 que j’ai pu trouver un peu de répit.

Comme vous pouvez le constatez, j’ai traversé le monde et les siècles !

Et puis, rebelote ! Comme ils ne savent pas quoi inventer pour se faire remarquer, j’ai dû subir l’horrible écrasement d’un truc fait de poudre de graphite et d’argile ; Et je ne vous dis pas quand la mine se casse, la plaie que j’ai à suturer !

Et bien sûr, les ennuis ne s’arrêtent pas là quand, un petit malin découvre une espèce de feutre qui pue et m’indispose.

Et Bic !!! Ah celui-là, je le retiens avec ses pointes en fer qui me déversent toutes sortes de couleurs que seule une gomme qui me râpe et me troue la peau arrive à presque effacer.

Et c’est pas fini !…

Si je vous parle de l’invention d’un certain Henry Mill, en 1714, vous comprendrez que mon martyr est à son apogée. Imaginez, des lettres gravées sur un petit bloc de métal qui est actionné par dix doigts qui frappent avec une force inouïe et qui me tombent dessus à répétition sans que je m’y attende. Et le bruit ! Infernal !

Heureusement, en 1938, un bon ami à moi, Chester Carleson invente la xérographie. Je me sens alors plus détendue quand mon corps est doucement décoré de petits signes ou de dessins.

Tiens, en parlant de dessins, je vais encore vous faire penser que je me plains toujours, mais vous savez que j’ai vécu le supplice du couteau tartiné de peinture à l’huile. Ah, j’oubliais aussi de vous parler des pieds mal odorants qui me passaient sur le torse pour soi-disant produire une œuvre d’art !…

Bon j’arrête là mes jérémiades, car j’ai eu aussi de bons moments.

Grâce à toutes ces tortures j’ai décrit le monde, transmit le savoir, réaliser des exploits en acceptant que les mots, les chiffres, les nombres, les calculs, les idées, les informations, traversent les siècles et racontent l’histoire de l’humanité.

Je suis fière d’être le support de la diffusion de la connaissance.

Fière de permettre, par mon abnégation à tout supporter sur moi, la conservation de la trace des évènements qui ont fait et feront entrer les peuples dans l’histoire du monde.

Fière que la Parole soit posée sur moi afin qu’elle devienne l’extension des mémoires.

Qui suis-je ?…

 

 

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