Je ne sais pas qui est ce type mais je suis sûre d’une chose : il n’avait jamais touché un biniou avant de m’agripper par le bourdon comme si j’étais un vulgaire balai. Ceci dit, je ne valais pas beaucoup mieux : j’étais tout aussi recouvert de poussière après toutes ces années de relégation au grenier. Il a dû racheter la maison de Pierrick. Et moi avec. Je dois l’intriguer car il m’a sommairement nettoyée mais j’ai bien senti qu’il ne savait pas s’y prendre.
Le premier soir, il a essayé de souffler dans mes tuyaux mais le pauvre a failli s’étouffer. Il n’y aurait eu personne pour le ranimer. Depuis qu’il m’a sorti de ma retraite, je n’ai entendu aucun autre bruit que celui du vent. Je me demande bien ce qu’il est venu faire tout seul dans cette vieille baraque du bout du monde. Pierrick, lui, l’avait choisie justement parce qu’elle était tellement isolée qu’il pouvait me souffler dedans autant qu’il voulait sans risquer de problèmes avec le voisinage. Il y a pourtant d’autres humains dans les parages, au village. D’autres binious aussi. Et des bombardes et des grosses caisses. Bref, tout un bagad. Et un bon ! Champions de Bretagne qu’on a été avec Pierrick. J’avais presque oublié tout ça, là-haut dans la poussière, jusqu’à hier. Le nouveau, il a fini par en avoir marre de perdre son souffle pour rien et, dans la soirée, il m’a embarqué dans sa voiture, direction la salle des fêtes. J’ai entendu la musique des copains. Ça m’a remué. Les souvenirs sont remontés d’un coup. Et pas qu’à moi. Quand on est entrés, tout s’est arrêté. Il y a eu un grand silence. Bonjour, qu’il a fait, mon nouveau proprio. Il n’y a pas eu d’écho. Le silence s’est épaissi à mesure qu’on avançait. Il est devenu tellement dense que j’ai eu l’impression qu’on allait lui rentrer dedans. Et puis d’un coup, j’ai entendu le gros Louis, le deuxième sonneur du temps de Pierrick.
- Où t’as pris ce biniou ?
Pas chaleureux comme accueil. Et pour cause. Je lui rappelle des choses qu’il espérait classées.
Voilà qui sent très bon notre belle péninsule armoricaine, et écrit avec beaucoup d’humour. Bravo et merci!
Whaoo ! (Je sais, c’est ridicule ce “Whaoo !”…) Trop à dire pour au final vous complimenter sur tous les plans, tous : la créativité, la grammaire, “le sens”, etc. etc.
J’ai beaucoup aimé ce biniou, mais j’avoue rester sur ma faim. Quelles étaient donc ces choses que le deuxième sonneur souhaitait ne pas voir ressurgir ?😉
Excellent et intrigant début (?) d’une histoire au sonorités bien bretonnes, continuez !
Merci à tous pour vos (bonnes!) appréciations… C’était juste un petit exercice, histoire de relever un des défis du jour.
Au fait, @Onnanoko, une petite image libre de droit (on les télécharge facilement et gratuitement sur Pixabay, par exemple, en utilisant le formulaire d’écriture en ligne de l’Algomuse) pour illustrer et animer ce beau texte sur le biniou / la cornemuse?