Elle était là, à se pavaner, sur son balcon en encorbellement. Elle semblait en tirer une certaine fierté. D’autant plus qu’il était en pierre de taille, décoré d’un très beau fer forgé. Mais en même temps, il était situé au premier étage d’un immeuble de ville. Pas de hauteur, pas de vue panoramique. Rien de royal en somme.

Je ressentais son exaltation à être debout, lovée dans un déshabillé rose pâle, cigarette à la main et regardant dans le vague. Joli décolleté. Une vraie scène de cinéma. Elle était jeune et belle. Elle le savait.

Et moi, je revenais tout simplement de la boulangerie, un dimanche matin avec mes deux croissants et ma baguette dans les mains. J’étais ébouriffé, pas rasé bien sûr et encore flottant… J’avais eu beaucoup de mal à décoller de mon oreiller et j’avais failli ne pas bouger, par pure flemme. En la regardant vue du trottoir d’en face, je ne regrettais plus ma sortie.

Je la voyais, sans doute fausse blonde, avec des lèvres pulpeuses, un peu trop rouges pour être au naturel, en train de souffler sa fumée de façon sensuelle en direction du soleil. Son décolleté bousculé par une petite brise ; charmante pin-up. Je pourrais exagérer un peu en disant que ses yeux rayonnaient de fierté, ou de bêtise, allez savoir.

Je la regardais et m’amusais de ses petites mimiques et mini-contorsions. À quel moment le beau gosse allait-il sortir de la chambre pour la rejoindre et l’embrasser devant les habitants de cette petite ville de province ? À quel moment allait-elle avoir le sentiment de leur être supérieure ? À la prochaine gorgée de café ou à la fin de sa cigarette ? J’imaginais un bel enchaînement cinématographique…

Mais voilà, cela ne s’est pas passé comme ça. Aussi ahurissant, que cela puisse paraître, une masse est tombée du ciel, pile sur elle, sans prévenir bien sûr, au moment où elle écrasait son mégot. Splashhh. Une espèce de pantin désarticulé, un genre de nain, en tout cas un mec pas malin qui venait de se jeter du haut du toit. Oh !

C’était pas beau à voir ! La blonde écrasée par un suicidaire en train d’agoniser. Beurk. Fini la sensualité. Je crois qu’elle est morte sur le coup. J’en ai lâché mes croissants et ma baguette. J’étais ahuri. D’autant plus que juste après, plof, une autre masse lui est tombée dessus. À croire que les dieux voulaient lui faire rentrer un message dans le crâne. Je ne suis peut-être pas loin de la vérité, car cette fois-ci, c’était une sculpture de la vierge Marie en granit.

Choquant ! Ou amusant ? Absurde. Je n’ai rien compris. J’ai peut-être rêvé. En tout cas, j’ai ramassé mon petit déjeuner qui était tombé par terre, je suis lentement rentré à la maison. Un peu fébrile quand même. Et puis, au lieu d’appeler les secours, le truc était trop absurde, j’ai mis une feuille dans ma machine à écrire, et j’ai commencé à écrire : « Elle était là, à se pavaner… »

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