Séance au Parlement
— Ce projet de Loi est abusif. Je ne le voterai pas en l’espèce !
— Cette assemblée est incapable de traiter de tous ces sujets à la fois !
— Comment voulez-vous que nous discutions de réglementations de goûts, de sons et d’odeurs, tout cela en même temps ?
— Et pourquoi donc, chère députée ? Il y a relation étroite entre tous ces sujets. Nos électeurs nous
réclament de réglementer. Nous réglementerons !
— Parce que, près de la passerelle du diable, accrochée à l’enseigne du Relais , une amulette roule
des yeux noirs, pénétrants, anguleux, exorbitants,…, euh !… qui me fichent la frousse !
— Une amulette ? Ha, ha, ha !…
Dans l’assemblée, majoritairement masculine, certains pouffent, d’autres rigolent en silence et d’autres encore, moins discrets, se bidonnent carrément, lançant quolibets et sarcasmes fort peu républicains.
— Silence !… Silence !… Vous qui êtes la plus optimiste de nous tous, Madame Candide, vous avez la parole !…
— En début de semaine, j’ai déposé un amendement où je prie chacun de vous à réfléchir à ce projet de loi. Comme vous le savez, le Relais est un lieu de débauche. Son soi-disant grand chef étoilé, Monsieur Faust, vous propose des plats inquiétants qu’aucun de nos concitoyens ne devrait ne serait-ce goûter. Pensez bien, il concocte saveurs inconnues à des mélanges d’azote. De plus il crie à qui veut l’entendre « plus de viande pour sauver la planète » !
Comprenez-moi, ses ustensiles de cuisine ne sont pas ordinaires. Il utilise des seringues, un évaporateur rotatif et bien d’autres instruments que je n’ai jamais vu dans le restaurant de mon père !. Il transforme les liquides sous forme de sphère en mélangeant des produits chimiques. Il gélifie, émulsionne et le pire, emprisonne des bulles de gaz dans de l’eau. C’est trop flippant !
Le pire de tout, lorsque vous soulevez le dôme qui recouvre votre assiette, une étrange musique vous saisie à la gorge, au cœur, vous tétanise et vous enjoint, bien malgré vous, à rire sans jamais pouvoir vous arrêter. Il s’agit, pour moi, d’une menace à la liberté !
L’Assemblée, alors très agitée puis médusée, écoute l’argumentation de leurs collègues sans broncher :
Monsieur Narcisse pense qu’il y a, effectivement matière à réflexions et qu’il ne pourra se faire sa propre idée qu’en allant se pencher au-dessus de ces fameux plats.
Son voisin, Monsieur Ulysse note qu’il lui faudra faire le tour du monde pour constater si certaines autres populations consomment ce genre de mixtures.
Quant au docteur Führer qui ne dit rien, se dit, en tapinois, qu’il aiderait bien ce grand chef à parfaire ses menus en y glissant quelques gouttes « d’anti-quelque-chose ».
Au grand dam de l’Assemblée, le Comte Donald Trompe, s’installe, sans qu’on lui en donne l’autorisation, au centre du Parlement. Il se met à crier à grands renforts de gestes : « mensonges, mensonges, mensonges, fake, fake, fake; je connais très bien Monsieur Faust, ayez toute confiance en lui comme en moi ! ».
Mademoiselle Archimède, seconde unique femme élue ici présente, s’évertue à expliquer, en toute perte, qu’effectivement, en dehors de l’aspect liberté, ce chef propose de savantes découvertes scientifiques. Elle avait d’ailleurs assisté le grand chef et ne put se retenir de crier Eurêka après avoir proposé de saupoudrer d’aromatiques la recette en question.
Conservant son calme en toute circonstance, Monsieur Confucius, Président de séance, rappelle à l’ordre tous ses collègues leur remémorant leur serment de respect, d’indulgence, de tolérance et de bienveillance.
C’est alors que Monsieur Gutenberg se hisse sur son siège pour arborer toutes les notes qu’il a imprimées tout au long de la journée. Il se propose de les distribuer.
Désarçonnée, Madame Candide, s’abstient d’intervenir.
La séance est levée.
Les micros sont coupés.
Un texte empreint de philosophie, au sens premier du terme (s’il en est un…). Selon moi, bien sûr, “ma lecture”…
J’aime beaucoup.
D’abord, c’est écrit dans une “belle langue”, bien traitée.
Ensuite, c’est “premier” : on sent en lisant que c’est “l’auteure” qui “parle”, au premier degré ; c’est dire en fait qu’on est invité à partager ! Et qu’est-ce qu’écrire, sinon partager ?
Enfin, et là pour le coup je vous rends hommage (sachant bien combien je suis moi-même vulnérable en la matière) : vous avez su nous épargner le “syndrôme femmes [hommes] savantes” !
Je m’explique : vous n’avez pas, pour aucun des “personnages” que vous avez mobilisés, chercher à démontrer votre connaissance de la “science” qui vous donnerait le privilège de les comprendre. Vous les avez, simplement (et pertinemment !) intégrés dans VOTRE histoire ! Et ce, sans jamais trahir pour aucun d’eux, l’héritage culturel qui fait leur force à nos yeux. Autrement dit : vous les réinventez !
Et au final, cette histoire un peu drôle, est dramatique. Une tragédie moderne ?
Vous êtes avare des mercis que l’on vous donne en trop grand nombre mais, que puis-je dire autrement que mille mercis (y’en a pour les prochaines fois!… 🙂
Je vais être très franche, les mots viennent au fur et à mesure, puis il s’affublent de personnages ou autres “objets”…
Une chose est certaine, j’ai parcouru bon nombres de sites dits d’écriture où les interventions étaient loin de valoir AlgoMuse.
Ici, chez vous, chez nous, on se sent en confiance pour partager nos émotions (car, écrire est une des plus belles émotions qui soit), on a envie de donner le meilleur de soi-même sans attendre en retour forcément.
Alors, quand on reçoit de tels encouragements, l’envie de lire les autres textes, faire connaissance avec d’autres auteur(e)s (je n’aime pas autrice !) s’invitent spontanément dans notre emploi du temps (sourire !).
A bientôt de nouvelles aventures et partages.