Le bélier arrive au repaire du roi-jaguar. L’ordre du jour est simple. Il s’agit de vivre en bonne entente entre les jaguars et le troupeau de moutons. Le bélier est accueilli en grande pompe.
« cher ami, vous êtes ici chez vous. Nous sommes honorés de votre présence » lui dit un conseiller du roi. Les fauves, après maintes tentatives avaient enfin réussi à corrompre ce bélier. Ce dernier bénéficiait des largesses du roi. Il avait droit à du foin à volonté même au plus creux de l’hiver lorsque son peuple avait toutes les difficultés à se restaurer.
La tentation fut grande pour cet ovin cupide d’entretenir une bonne entente. Il y trouva de grands avantages personnels.
Le roi-jaguar avait compris qu’il était désormais possible de mettre son plan à exécution. Après une savoureuse collation et de nombreuses flatteries à l’adresse du bélier, il prit la parole :
– Très cher ami, votre troupeau est en danger. Vous êtes le seul à posséder l’intelligence pour saisir notre raisonnement. Votre communauté est de plus en plus nombreuse et la famine vous guette. Certains de nos membres, malgré notre interdiction formelle, tentent sauvagement de s’introduire dans votre enclos et déciment les agneaux les plus tendres.
Voici une solution simple qui sauvera la race des ovins :
– Pour conserver nos bonnes relations, vous nous apporterez trois agneaux par semaine pour notre sacrifice rituel. Nous punirons nos jaguars qui désobéissent. A cet instant, le roi ne put réfréner un rugissement menaçant, toutes dents dehors.
Le marché fut conclu très facilement tant le bélier fut effrayé.
Le roi n’allait pas s’arrêter là. A chaque livraison, il augmentait ses exigence. Il se montrait alors menaçant lorsqu’il sentait quelque hésitation.
Les moutons, eux si dociles d’ordinaire, commencèrent à se rebeller. Ils chassèrent le traître et connurent quelques temps de répit.
Le bélier se retrouva seul, sans ami d’un côté et menacé, même rudoyé, chez les jaguars. Il déserta et alla se réfugier dans un autre paradis.
Le roi-jaguar estima qu’il était grand temps de recruter un nouvel animal. Il n’avait aucune inquiétude ; une question de patience suffisait à corrompre le futur bélier-livreur. Ses conseillers en avait déjà repéré quelques-uns dont l’attitude laissait à penser qu’ils pourraient trahir les leurs.
Ainsi le massacre put se poursuivre dans la plus grande légalité.