Comme chacun sait, le perdreau est sans ergot, ce qui n’est pas sans ego. Le papillon est volage, ce qui n’est pas sans nuage.
C’est un jour de printemps qu’ils se rencontrèrent. Le premier dit à l’autre : “Que j’aime tes couleurs ! Et cette frivolité qui te va si bien, dont je ne puis que rêver… Accepte mon amitié, et je te défendrai.
– Me défendre ? Mais de quoi peux-tu bien me défendre ? Je vais et je viens d’un cœur à l’autre sans jamais m’arrêter, et n’ai besoin d’amitié plus que de sécurité. Laisse-moi donc butiner…
– Je suis, comme tu le sais, plus familier des Maîtres du monde que tu ne seras jamais, et d’eux je tiens cette vérité qu’on ne peut vivre sans amitié ! Ne fais pas l’arrogant, laisse-moi te protéger, et t’enseigner ainsi les belles choses de la vie ! Tu verras…
– Non, décidément, je vois assez comme ça. Et puis ton “amitié”, ce n’est jamais qu’un mot. Et tout mot n’est-il pas le produit d’un docteur ? Quant à parler des tiens, t’auraient-ils corrompu à ce point d’oublier ta condition première ?
– Tu te trompes, il y a du bon dans l’Humanité, et l’amitié est dans ce “bon”…
– Oh ! tu m’ennuies, et me retardes. J’ai encore mille cœurs à visiter aujourd’hui… Et je sais, bien aussi, que ton espèce se nourrit de la mienne ! Me prendrais-tu pour un idiot ? C’est Darwin qui l’a écrit…
– Te voilà philosophe ! Là, cesse donc de papillonner et commence de m’écouter. L’amitié, c’est cette chose sacrée qui fait son étendard de la fidélité. C’est cet instant précieux de la réalité qui fait qu’on est hagard quand on est foudroyé ! C’est cette…
– Oh oh oh… ! À l’évidence tu me prends pour un fol ! Mais d’où te vient pareille impertinence ? Comment peux-tu toi-même écouter tes paroles ?
– Ah…
– Regarde ; regarde ces fleurs qui s’offrent à moi. En vois-tu une seule qui me compte son don ?”
Et le perdreau, faute de pouvoir le convaincre, de manger le papillon, sans comprendre vraiment qu’il agissait… par délégation.

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