Le rêve, le désir et l’ambition avaient été de bons moteurs ; il n’éprouvait aucun regret. « C’est juste que l’on change, pensait-il…

Mais sous les regards incrédules de ses proches, il comprenait qu’un simple « c’est juste que l’on change.. » ne suffirait pas à justifier son choix.

La place qu’il occupait dans ce monde, dans son monde, et surtout dans celui des autres allait être vacante, tout au moins quelque temps. En changeant, il les poussait donc également au changement.  Tous n’étaient pas prêts à modifier leur sphère familière. Pas sans une bonne vraie raison valable!

Et pourtant…

On peut s’autoriser à changer, n’est-ce pas? 

Ne  pas se trahir soi-même ne signifie pas de rester le même. Ne pas oublier d’où l’on vient n’induit pas de rester sur place. Etre ambitieux ne force pas l’adversité. Rien n’est écrit. Tout est page à écrire, raturer, corriger… compléter.

Les quatre paires d’yeux autour de la table attendaient ses explications. Il se faisait l’effet d’un lâche qui aurait fomenté un coup bas en annonçant sa décision de cesser sa brillante activité professionnelle, pour vivre une nouvelle vie paisible en Ardèche sans autre but que d’exister au monde. Il eut été plus loyal  aux yeux de tous que son choix n’en soit pas un, voire qu’un incident de la vie le contraigne…car alors, on ne lui en aurait pas fait ombrage,  mais là…

Il ne voyagerait plus autant.  Il ne sortirait plus chaque week-end et sans doute allait-il significativement réduire son carnet mondain et les opportunités qu’il représentait, mais c’était son choix. Il aimait ce choix restrictif et absolu. 

Lui qui pensait avoir fait le plus difficile en décidant de changer de vie, prenait à cet instant, conscience que le plus dur serait de faire face à l’inertie de l’autre.
Changer n’était donc pas une affaire personnelle.

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