Pour assurer la surveillance sans faille du magasin, la boîte d’intérim avait eu une idée géniale : proposer l’embauche de Lerny, dont le physique en imposait assurément. L’établissement avait doté chacune de ses sept têtes d’une mini caméra qui filmait sans discontinuer, la grande souplesse de l’hydre assurant une vision dans tous les coins et recoins possibles. S’écartant des systèmes automatisés l’alliance nouvelles technologie et mythologie faisait merveille dans le domaine de la sécurité.
Hortense regardait le sol, sans doute à la recherche d’un endroit meuble où enfouir sa tête, l’engueulade faisait partie des moments de stress intense qui lui faisaient perdre tous ses moyens et revenir vers un comportement primaire.
L’infraction aux règles du magasin était caractérisée, indubitable, filmée par au moins trois têtes.
Les taches de la girafe, d’ordinaire d’un joli beige nacré, avaient viré à une multitude de nuances allant du rose fuchsia à l’orange sanguine. Ce n’était pas franchement seyant mais c’était pour le moins original et atypique pour cette espèce et ce déploiement de couleurs eut le mérite d’arrêter le discours convenu du vigile.
– Votre haute taille ne vous autorise pas à aller chercher les produits qui sont stockés en prévision du réassortiment de nos rayons, même sous prétexte de plus de fraîcheur. “Zone interdite aux clients”, vous savez lire, non ?
– Je suis désolée, je ne le referai plus, promis, geignit Hortense entre deux sanglots.
Quand elle releva la tête, Lerny resta coi devant les beaux yeux noirs de la contrevenante frangés de très longs cils et encore humides de ses larmes. Intérieurement Hortense jubilait, elle venait enfin d’attirer suffisamment l’attention de ce beau dragon pour qu’il ne l’oublie pas. Une romance avec une hydre à sept têtes, le jeu en valait la chandelle !

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