Jeudi 7 avril 2022
Tiens ! Le revoilà avec son machin ! Je ne sais pas qui est ce jeune homme, mais il me donne cette impression de déjà vu.
Je ne sais pourquoi il s’autorise à m’embrasser sur le front. Il a l’air gentil, mais tout de même ! Je ne le connais pas pour accepter ces familiarités !
Le voilà qui s’assied à côté de moi maintenant. Il recommence avec son truc. Il l’ouvre et me fait la lecture en me regardant entre chaque phrase… Il est étrange non ? Le voilà qui racle sa gorge ! Ça va commencer .
20 juin 1990
C’est le grand jour ! Aujourd’hui, je me marie. J’ai enfin pu trouver la robe adéquate pour camoufler mes rondeurs ! Enfin je devrais dire “ma rondeur”… Heureusement mes nausées se sont calmées et mon teint est moins gris. Oh Cher Journal, si tu avais comme j’ai de la peine de voir l’expression de dégout et de haine sur le visage de mon père ! Si tu savais comme mon coeur saigne quand ma mère détourne le regard à chaque fois qu’elle croise le mien !
Mais papa s’est calmé et a décidé de payer les noces ! Mais il a refusé que nous allions à l’église ! Ce sera en petit comité et point barre !
Pourtant, nous le désirons cet enfant. Nous avons d’ailleurs beaucoup rit en le concevant ! Pourquoi faut-il qu’on nous gâche notre joie ? Pourquoi devrais-je avoir honte d’aimer ?
Sans toi, Cher Journal, je crois que je me serais enfuis quand mon père m’a insultée, traitée de tous les noms…
Bon, il va falloir que je me prépare, ne m’en veut pas si je te laisse ! Demain, je te raconterai tout ! La seule chose qui aura changer, c’est mon nom ! Réjouis toi pour moi ! A demain Cher Journal !
Jeudi 7 avril 2022
Et l’autre qui me regarde comme si je savais de quoi il parle ! C’est quoi donc cette histoire de mariage ? Il a l’air con le père de le mariée… Moi je veux aller me coucher ! Qu’il arrête donc avec ses histoires débiles qui me font pleurer ! Et puis j’ai faim. J’ai envie de manger ces bidules rondes. Oui, ces machins qui explosent en bouche quand on croque dedans ! Je me souviens du goût sucré de l’été, de ma jupe trop courte pour grimper dans l’arbre. Mais j’y allais ! Et je cueillais les castors que je déposais dans un stylo, un dans le machin, l’autre dans la bouche !
Mince ! Pourquoi il pleure le gamin ? Il a l’air peiné et agacé quand il me regarde. Mais c’est qui ? Pourquoi il est là ? Il a encore son caïman entre les mains. J’espère qu’il va arrêter ses histoires ! Non ? Ce n’est pas un caïman , il dit me dit que c’est mon cahier… A moi, un cahier ?
Et voilà qu’il recommence à m’embrasser ! Et personne ne trouve à redire ? C’est ça, va-t-en ! Fiche moi la paix avec ton tournevis à histoires ! Va pleurer chez toi !
Mais, pourquoi il me dit :”au revoir Maman ? “
Je vous dis que je ne sais pas qui il est !Je n’ai pas d’enfant d’abord ! Pourquoi il m’appelle maman ?
Je veux rentrer chez moi ! Ramenez moi chez moi !
Vous avez su cacher la situation dramatique derrière une écriture pudique. Bravo
Merci pour votre retour melanie chaine !
C’est très joliment écrit et j’avoue qu’il m’a fallu le relire pour tout saisir et me laisser pleinement toucher par votre texte.
Un peu confu, autant que la dame…
Vous écrivez là une nouvelle page saisissante de la vie de cette maman qui s’ignore désormais, comme un ajout tragique au cahier de sa vie, bravo pour cet Algobio brillamment relevé.
Merci Angelune pour ce commentaire encourageant !
Un tournevis à histoire : quelle ingénieuse métaphore tant il est vrai qu’un passé peut visser et dévisser les mémoires. Bravo pour ce texte qui appelle une suite.
une découverte dans les méandres d’Algomuse, un texte qui vous touche et vous ébranle, juste à l’instant ou vous en saisissez la bascule.
Oh, si vous pouviez revenir …!