Du presbytère de Vuny à l’église paroissiale il n’y avait guère que cinquante mètres à parcourir, mais cela était suffisant pour que la douche céleste trempe Marlem, le sacristain, qui venait de prendre auprès du curé des instructions pour l’office à venir. Luttant contre un vent violent qui s’était mis de la partie, le vieil homme, pétri de sagesse proverbiale pensa : « Si mars commence en courroux il finira tout doux, tout doux », une sorte de méthode Coué pour garder le moral en tout temps. Il se sentait cependant un petit coup de mou en arrivant dans la sacristie grelottant et trempé jusqu’au cou. Constatant qu’il avait suffisamment de temps devant lui, il opta pour le petit rituel secret de relaxation qui lui faisait du bien.

Il commença par allumer quelques grains d’encens de Laslemha, un cru indien parfumé à la rose, dont l’odeur suave et sucrée le transportait immédiatement au nirvana, une sacrément bonne découverte du prêtre et qui avait sur les paroissiens un effet inattendu, l’assemblée depuis l’introduction de ce nouveau parfum liturgique avait le sourire aux lèvres même si le sermon était un remontage de bretelles avéré ! Marlem prit alors un joli verre ouvragé qu’il conservait caché tout en haut du placard des aubes et se servit un plein verre de Cirruku, ce nectar confidentiel utilisé en vin de messe et dont la cave du presbytère regorgeait grâce à l’aimable générosité d’une veuve de vigneron. Le vin blanc moelleux et la fumée entêtante provoquèrent très rapidement la relaxation maximum souhaitée, et le sacristain enfumeur et souriant s’endormit assis sur le prie-Dieu en répétant comme un mantra « il finira tout doux, tout doux ».

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