Talent à vendre
C’est un petit bonhomme, empressé, obséquieux. Il tient, tout bien serré, sous son tout petit bras, sa petite serviette pleine de documents officiels, de rendez-vous, de projets. Il marche d’un pas court et rapide, tourne la tête à gauche, tourne la tête à droite. Il vous a repéré, vous aborde et se met à vous raconter, en agitant son corps, comme monté sur piles, le talent de Madame, qui fait de beaux tableaux, mais c’est lui qui fait les prix … et c’est lui qui les vend … et puis qui les emballe … et puis qui les envoie … et tout ça … et sans savoir pourquoi, il dit toujours ‘’Allons ! Allons !’’ …
Il est le mécène et s’approprie la gloire. Il farfouille dans ses papiers et vous donne un carton d’invitation pour ‘’sa’’ prochaine exposition. Infatigable chargé de mission, toujours en mouvement, on l’aperçoit partout. Si l’on veut être célèbre et lorsqu’on fait du beau travail, il faut bien se montrer !
Et il vous parle encore et encore, toujours en piétinant, en remuant la tête, et puis ses petits bras. Quand il stoppe sa marche, il ressemble à la danseuse d’une boite à musique, pas tout à fait à l’arrêt, et dont il faut à nouveau tourner la clé :
‘’J’ai vingt tableaux qui sont partis. C’est dans le monde entier que nous les envoyons !’’
‘’J’ai bien vendu à la dernière exposition ! Pardi ! C’est du travail ! Et c’est moi qui fais tout ! Allons! allons !’’.
Ne pas l’interrompre. Ne pas aborder un autre sujet. Il n’est pas là pour ça. Vous ne l’intéressez pas.
Puis il tourne la tête, tout en vous parlant, et déjà, tout au bout de la rue, il aperçoit une connaissance. Il écourte son discours en plongeant la main dans sa serviette pour attraper un nouveau petit carton d’invitation. Il vous libère enfin. Il retrouve le rythme de ses petits pas joyeux et nerveux à la fois. Il n’a pas de temps à perdre.
Madame le laisse faire, effacée, face à son agité de mari. Son œil, doux comme la lune, sait capter la douceur qu’elle pose, sans cesse, sur sa toile, en scènes gaies et colorées. Son plaisir, c’est de peindre, et peindre sans relâche, dans la plus grande discrétion. Il faut la supplier pour visiter son atelier ‘’demandez à mon mari, c’est lui qui s’occupe des rendez-vous’’, dit-elle, d’une voix timide, presque inaudible.
Ils sont bien assortis ces deux là : L’une, a le véritable talent modeste et l’autre, l’âme d’un usufruitier endiablé …
Whaoo !
J’ai d’abord pensé à un hommage à Nina Simone. Puis à Camille Claudel… Et à combien d’autres ?…
En même temps, mon amie, à l’instar de ces deux-ci, tu ne le condamnes jamais cet “usurpateur”, ce “détrousseur”, ce…
Tu sais, je crois, combien je serais moins indulgent, quant à moi.
Mais je ne suis qu’un homme…
M’appartient-il de…
En tout cas, quel beau texte !
Allons, allons, je le connais très bien ce petit bonhomme qui ne tient pas en place, je suis sûre qu’il a une blouse bleue et qu’il tient sa serviette tout contre sa poitrine. Votre personnage est truculent!