AlgoZimage du 19 juin 2023

Photo de famille

C’est une histoire qu’on raconte encore à la veillée, à Le Tannos en Provence. Cependant, elle est privée. Seuls les Tanosiens et les Tanosiennes peuvent la connaître. Jamais vous ne l’entendrez à la terrasse du Café des Platanes. C’est un secret bien gardé.

Comme vous savez déjà, les Tanosiens n’ont pas l’Internet, ils n’ont même pas la télé ! Oh, ce n’est pas qu’ils soient allergiques aux technologies, non, c’est juste qu’ils sont trop occupés pour s’en occuper. A quoi bon s’en préoccuper, vous diront-ils…

D’ailleurs, et c’est là toute l’histoire, il en est une de ces technologies qu’ils affectionnent tout spécialement, et c’est la photographie. La raison de cette affection, je vais vous la conter, mais ne vous y trompez pas : je ne vais pas trahir le secret qu’ils se racontent à la veillée ! S’il arrivait que je vous parle d’un boucher ou de quelque cochon, ce ne serait évidemment qu’à fin d’illustration. A Le Tanos, on est solidaire, et on ne joue pas avec les nerfs…

Mais regardez : dans les temps reculés, bien avant « La Grande Vague de 1936», le village avait un boucher. Oh, notez qu’on ne se plaint pas d’en manquer, nous en avons maintenant quarante-huit ! Quatre par supermarché… Mais celui-là, celui des temps reculés, était particulier : il était… romantique ! Ceux d’aujourd’hui sont plus… automatiques.

Et il avait un nom, ce boucher : Victor, Victor tout court. Non, « tout court » n’était pas son patronyme, il n’avait pas de patronyme ! Et c’était bien la moindre de ses particularités, que de n’avoir pas de patronyme… Il en tira profit d’ailleurs quand l’Administration voulut l’assigner pour faillite frauduleuse lors de l’implantation du premier supermarché : pas de nom, pas d’assignation.

Mais je digresse, je digresse. Et je digresse d’autant plus, qu’entre les temps anciens et les temps modernes, notre Victor s’était fait maire et principal actionnaire du premier supermarché. Notez bien, dans un coin de votre mémoire, la chronologie de toute cette histoire, car en Provence, voyez-vous, la chronologie est beaucoup plus importante qu’en Bretagne, par exemple . Sans parler, évidemment de la Franche-Comté ou de l’Auvergne…

Imaginez : la « Grande Vague » ; seuls les Provençaux l’ont connue. Imaginez… D’un jour sur l’autre, des milliers de Parisiens qui déferlent à la terrasse du Café des Platanes ! Voyez-les péter, roter et gueuler – à l’instar des Tanosiens, et de tous les humains, me direz-vous -, comme s’ils étaient chez eux !

Car tout est là… : « comme s’ils étaient chez eux » ! Sentez, devinez, voyez le sentiment, la sensation de viol d’une intimité historique et bien ancrée qui pouvait en résulter !
C’est que peut-être, pour les Tanosiens comme pour les humains, l’on ferait racine avec son lieu ? C’est absurde évidemment, scientifiquement parlant, mais tout dépend, évidemment, de quelle science l’on part… Bref, la frustration et le sentiment de viol, évidemment, s’imposaient…

Hélas, c’est bien ce qui se passa, mais Victor était là !…
Certes, quelques bruits couraient bien déjà qu’il venait du Piémont, notre cher boucher. N’en va-t-il ainsi dans tous les villages du monde que les mauvaises langues – le plus souvent des vieilles femmes aigries, évidemment -, l’on médit naturellement de celui qu’on méconnaît ?

Cependant, Victor avait tout compris. Il est comme ça des êtres…

[Oops ! Les 20 minutes (plus du double en réalité) sont épuisées…

Arf, c’est dur l’Algo… Les cochons n’étaient pas loin…

(à reprendre ? Continuer ? Retravailler ?…)]