Algozimage du 2 août 2023

J’ai froid. La nuit tombe très vite en novembre et je dois encore marcher une bonne heure dans ces rues du faubourg et dont certaines sont lugubres, loin des lumière et l’agitation joyeuse du cœur de la ville. J’emprunte le même trajet, tous les jours. J‘en connais tous les recoins, tous les dangers du soir. Je redoute le samedi, c’est le jour des rencontres hasardeuses, des désœuvrés, des boit-sans-soif.

On est samedi. Je les dépasse. Je sens l’un des deux hommes me lorgner encore, adossé négligemment au mur. Je baisse les yeux. Un frisson me zèbre le dos. Il ne s’intéresse plus à ce que lui dit son compère, sans doute le récit de dernières frasques croustillantes et dont les mots jaillissent mollement de sa bouche pâteuse. J’ai peur. Je presse le pas. J’entends encore au loin les bavardages de cette famille qui profite des dernier rayons timides du soleil couchant. Ils ne suffisent plus à me rassurer. Je suis épuisée. Mes maîtres ne m’ont pas épargnée aujourd’hui. J’ai dû récurer de fond en comble la maison pour leur réception de cette fin de semaine. Il parle, j’entends ‘’belle demoiselle’’… Surtout, ne pas se retourner… il va peut-être me suivre, m’importuner. Je n’aurais peut-être pas dû mettre cette robe en soie que m’a gentiment donnée ma maîtresse. Elle est un peu trop voyante. Le coin de la rue me semble loin, trop loin… Ne pas montrer ma frayeur. Ne pas courir. Juste presser un peu le pas. Il ne m’arrivera rien. Non ! Pas cette fois !