Nadine était arrivée à la ferme la veille. Elle y resterait, comme chaque année, durant toutes les vacances d’été.
Cette première matinée, c’est dans la grange qu’elle l’avait passée, et c’est dans une vieille malle qu’elle avait trouvé ce cahier rongé par le temps. L’odeur du papier jauni l’en avait d’abord éloignée, comme si elle avait craint de s’en imprégner, mais finalement, elle avait osé ! Elle comprit vite qu’il s’agissait d’un journal. Un journal intime…
Elle en parcourut quelques pages encore lisibles, et peu à peu, forgea sa conviction : un gardien de phare l’avait écrit. Cherchant dans sa mémoire un ancêtre auquel elle put l’attribuer, elle s’arrêta sur un vague souvenir d’arrière grand père, sans pouvoir s’y fixer.
Une page, en particulier, la plongea dans la rêverie d’un monde inconnu et secret ; celle du mardi 20 juillet 1926, parfaitement conservée.
“Mer d’huile. J’ai pensé à Marie toute la journée, et me suis ennuyé.
Tenté de lire, ce matin, sans succès. Ramassé trois oursins et quelques moules…
Aucune voile, aucun visiteur ; pas même de goéland.
Grande solitude, mais quiétude aussi. Ne l’ai-je pas désirée ?
Je ne suis pas en prison, il n’y a pas punition. C’est mon âme que j’ai voulu sauver… Personne ne m’a forcé. Mais je dois payer…
Arrêter de penser… Allumer le foyer. Demain je pêcherai.“
C’est par “Marie” que, peut-être, elle pourrait découvrir ce mystérieux ancêtre. D’ailleurs, était-il son ancêtre ? Mystérieux, il l’était ; l’écriture le montrait. Bien formée, légèrement inclinée et les lettres bien liées, elle ne pouvait appartenir qu’à quelqu’un qui la maîtrisait. Comment cet homme, à l’évidence cultivé, était-il arrivé là ? Et surtout : que devait-il payer ?
Nad se réjouit : son enquête pouvait commencer ! Elle ferait, elle le sentait, toute la lumière sur cette énigme des grands fonds. “Et pour commencer, le lire en entier, se dit-elle. J’y mettrai la journée s’il le faut.”
(Vous êtes bien matinale, chère @julie !) Très joli texte. Il s’en dégage comme un parfum de “Club des cinq”… Y aura-t-il une suite ?
Merci Guillaume. Pour la suite, je ne sais pas… J’ai eu plaisir à l’écrire. C’est tentant…
J’aime déjà ce gardien de phare.
Je viens d’avoir un grand plaisir à retrouver ce gardien. Merci.
Bonjour ! Je trouve ce texte plein de promesses, appelant à la rêverie sans être vraiment mélancolique. Le lien entre passé et présent au travers de la narratrice est intéressant.
Merci pour ce gentil commentaire Catherine.
Pour les “promesses”, j’ai écrit une deuxième chapitre à cette histoire improvisée. C’est “Journal de guerre”. Je suis très curieuse de votre critique : est-ce que cela tient ? Peut-on vraiment les mettre “bout à bout” ? (En fait, ces deux textes répondent à des algodéfis…)
Pour le lien “passé/présent”, j’aime beaucoup, en effet, me risquer dans la difficulté de la concordance des temps… (je ne suis pas grammairienne, je fonctionne “à l’oreille”! Si vous voyez des problèmes, faites-moi l’amitié de me le dire…)
Quant à la mélancolie, c’est vrai aussi, je lui préfère la nostalgie.
Mais au fait, bienvenue Catherine ! Je suis impatiente de vous lire !