Un mince croissant de lune jouait avec les écharpes de nuages qui ondoyaient dans le ciel nocturne. Héloïse ouvrit un œil et s’ébroua, la chouette adorait déployer les plumes de ses ailes en éventail pour en admirer la finesse. Elle avait élu domicile depuis plusieurs années dans ce grenier cosy d’une maison de famille. Elle n’y était guère dérangée, les héritiers de madame Charlotte appréciaient peu la vie à la campagne et préféraient lézarder sur la plage durant leurs vacances. L’ennui faisait partie de son quotidien, elle l’avait apprivoisé et finalement s’en portait plutôt bien.
Ceci dit, depuis quelques jours une agitation inhabituelle résonnait dans la maison. Ces derniers temps même son petit chez-elle avait été dérangé par quelques allées venues intempestives à tel point qu’elle avait provisoirement élu domicile dans un recoin du garage. Revenue cette nuit dans ses quartiers privés elle observa alentours son habitat quelque peu chamboulé. Un vieux matelas de laine, dont le tissu rayé et délavé par le temps craquait de toutes parts, gisait au milieu du grenier. Un bruissement semblable à celui du vieux poste de radio en émanait. Tendant l’oreille, qu’elle avait fort joliment velue, Héloïse entendit quelques bribes d’une étonnante discussion :
–    La belle vie est finie les amis, demain direction la déchetterie !
–    L’obscurité, l’humidité, c’était le bon temps !
–    De toute façon avec ces nouvelles peintures techniques notre sort était plié…
–    Et que dis-tu de leur nouvel aspirateur cyclonique ?
Très bavards et bien informés ces petites bêtes se dit la chouette. La conversation des acariens lui fit ainsi comprendre que la vie de cette maison était en train de changer. Travaux puis nouveaux meubles, la demeure allait être bien animée dans les prochains mois. Son refuge resterait-il un sanctuaire pour vieilleries ou serait-il atteint par la grande réorganisation ? Héloïse regrettait déjà son ami l’ennui…

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