Prétextant combattre l’angoisse à grands coups de vodka, elle s’était engouffrée dans l’alcoolisme en toute conscience ; elle se noyait désormais quotidiennement dans cette douce indolence que lui procurait le nectar. Le premier verre, qu’elle repoussait parfois de quelques heures, lorsque la culpabilité pointait son nez, était toujours annonciateur d’un réveil de ses émotions. Elle sentait le liquide parcourir doucement son corps, pénétrer ses veines et ses organes, réchauffer son esprit, pour enfin le laisser démarrer le voyage qu’elle aimait tant.
« Un verre ? Ce n’est pas grand-chose. Je peux arrêter quand je veux de toute façon. Oh mais Je vois bien ce que vous vous dîtes, elle pense qu’elle a le contrôle, qu’elle est capable de vivre sans, mais elle est alcoolique mon dieu ! Je vous entends, dans ma tête de coton, mais moi je sais que ce n’est que pour libérer mes pensées. Ce premier verre me plaît. J’ai un peu chaud, mais j’ai toute ma tête ! »
Elle met un disque, celui de Brassens qu’elle aime tant, monte le volume et se sert un deuxième verre.
« Celui-ci, je vais le déguster, de toute façon c’est le dernier. Ce soir, je n’en boirai que deux. »
Elle réfléchit, pense à sa vie, aux murs qui l’entourent, qui à la fois la protègent et l’enferment. Mais le liquide agit, et les murs s’éloignent. Elle sent une force agréable, une puissance intérieure naissante. Elle sait qu’elle est éphémère mais elle veut croire encore une fois ce soir que cette fois cela va durer.
Brassens hurle sa supplique dans la pièce, et voici qu’elle se prend pour une étoile ! Elle danse, accompagne la guitare nonchalante et ce soir elle est reine. Le verre est vide. Le flacon lui tend les bras.
« A quoi bon résister ? Je me sens bien, je suis au paradis, les nuages ont disparu, je suis invincible et ce soir je vais vivre ! »
Son esprit s’évapore, et ses pas se font plus sûrs. Plus d’angoisse, plus de soucis, elle est libérée, son cœur palpite et déborde. Elle a des projets, partir en voyage, s’offrir de nouvelles robes, acheter des fleurs, et inviter les voisins. Elle tourne, elle virevolte, son ennemie lui faisant croire à une trêve, elle est un papillon insouciant, à l’abri des tourments. Elle ne compte plus les verres. Pendant quelques heures elle sera reine, heureuse, enveloppée de douces pensées…Et puis voilà que ça recommence finalement. Le monde tournoie, son esprit n’entend plus que ses voix qui reviennent la hanter, son estomac lui fait défaut, elle se met à pleurer, se traîne jusqu’au canapé, s’assied, et puis finalement s’allonge, laisse tomber le verre qui se fracasse en mille morceaux de regrets…Elle va s’endormir, là, au milieu de tous les tracas du monde qui sont revenus encore plus nombreux. Et demain matin, elle se réveillera triste et embrumée, sans personne à aimer, personne pour l’admirer. C’était la dernière fois, promis.
Votre texte est fort par ces descriptions justes qui interpellent