– Je sais pas ce qu’elle a mis dans mes fleurs de Bach, la jolie, mais je peux t’assurer que j’ai apprécié la symphonie ! Et cela, dès les premières notes! Je me suis senti pousser des ailes, moi…

Le pharmacien de la place de la mairie mâchait son chewing-gum sans sucre du bout des dents en écoutant ses camarades de comptoir. Vingt ans qu’il est installé sur la place et qu’il boit son café au PMU chaque matin! Et jamais personne n’a dit de lui qu’il ait fait un seul  miracle dans sa pharmacie. Tandis qu’elle…., elle reprend l’officine d’à côté, et du jour au lendemain, tout le monde s’y précipite pour en ressortir quasi soigné! 

Il regarde ses anciens clients. Leur reproche mollement leur infidélité, et leur dit: 

– «  Y a un loup… c’est sûr… ou sinon quoi? Qu’est-ce qu’elle a cette pharmacie que la mienne n’a pas? »

Un vieil habitué  du comptoir lui rétorque amusé: 

– Pour sûr qu’il y a un loup ! Mais seulement dans la tienne de pharmacie! Un vieux loup bedonnant, qui boit son café chaque matin! 

Face à la mine déconcertée du pharmacien, le patron du café s’installe et lui sert un petit verre pour tenter de mieux expliquer :

– Ce que l’autre pharmacie a que la tienne n’a pas, c’est une pharmacienne! Et comment  te dire, sans te froisser: Entrer dans sa pharmacie, c’est comme ouvrir une parenthèse…

Son officine est coquette, apaisante, et lumineuse. Le médecin m’a même dit qu’y pénétrer était la première et sans doute la plus grande étape vers la guérison.

Personnellement, je crois que la pharmacienne est une sorcière. Pas la vilaine et vieille femme des contes de fée, non, plutôt le style « ma sorcière bien aimée ».

Elle touille ses poudres et ses huiles essentielles. Suit strictement  les posologies données par le docteur, en ajoutant son petit truc à elle: une sorte  d’incantation singulière qu’elle murmure d’un ton grave et douloureux lorsqu’il s’agit d’une pommade, ou qu’elle chante d’un ton plus léger s’il s’agit d’un breuvage.

Quand tu entres dans sa pharmacie, les essences qui te sont nécessaires te chatouillent le nez. C’est imparable et totalement inexplicable, si ce n’est que… la jolie jeune femme t’a vu entrer et que ce qu’elle te souhaite, c’est ton bien. Juste ton bien.

 – mmm ouai…. la pharmacienne est jeune et bien fichue quoi c’est tout! 

C’est pas un scoop,  la vue d’une femme fraîche et bien roulée même quand on est  à l’agonie  rend la fin beaucoup plus enthousiasmante!

Et le copain du troquet de rajouter: 

– « le diable était beau quand il était jeune »!

– oui ben justement ! Je ne peux pas vous en vouloir de préférer « ma sorcière bien aimée » au vieux loup bedonnant que je suis, n’empêche… n’empêche… J’ai un commerce à faire tourner moi aussi , et je vais vous dire une bonne choses les gars: belle ou pas la jeune et jolie sorcière, elle ne vous  conduira pas ailleurs qu’au bout du chemin, si c’est l’heure du terminus! 

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