« Faites un pas, Monsieur, et je vous tuerai ! » Il ne comprit pas qu’elle le pensait et…
avança vers elle avec l’aplomb de ceux qui se croient impunément autorisés à agir selon leurs propres désirs car physiquement plus forts, et de prime abord mieux armés.
La jeune fille barrait le pas de la porte, les mains rivées sur le chambranle. Un tel courage eût forcé l’admiration de chacun s’il n’était dénué de toute raison.
Ses yeux bleus rivés sur ceux de l’assaillant, elle semblait animée par une force surnaturelle. Sortirent alors de sa jolie bouche ourlée dans un souffle fort: plus fort qu’une simple colère, plus fort que la justice, plus fort que la peur, plus fort que tout… trois lettres fatales qui formaient une syllabe.
Celle d’un jeu d’enfant:
PAN !
Puis, elle croisa les bras. Certaines d’avoir fait mouche.
Alors, elle attendit.
L’homme était abassourdi. Le regard happé par l’image irréelle de cette frêle jeune fille qui lui faisait face. Elle était si jeune, si seule, et à nouveau si petite face à lui.
Une minute passa qui lui sembla une vie.
Était-ce bien cela ?
Cette fille l’avait-elle menacé de le tuer pour finalement lui crier un «PAN » d’enfant?
Un de ces mots que l’on échange quand on joue aux gendarmes et au voleurs, aux cow-boys et aux indiens? Un de ces mots qui voulaient dire « pan pan t’es mort je t’ai eu en premier, tu as perdu »…
Cette fille l’avait- elle menacé de le tuer pour finalement lui balancer son enfance en plein visage?
Figé dans cet espace temps, il revivait les règles du jeu, les injustices d’enfance, les parties abandonnées et les moments partagés entre bandes adverses… Il se souvenait de ces «pans pans »sans conséquences, dont chacun toujours se relevait pour aller prendre son goûter .
il reprît son esprit et la regarda avec un air gêné, presque intimidé face au déferlement de sentiments qu’elle avait expulsé et généré dans ces trois lettres.
Puis hésitant, il lui dit:
– Mais…. tu ne m’as pas tué
– Si monsieur, si… je vous ai tiré dessus
– Mais ce n’est qu’un mot!
– Oui – un mot chargé de sens et lorsque celui-ci aura fini de faire son chemin, alors vous serez mort.
Désarmé devant une telle candeur et habité désormais par sa propre réminiscence d’enfant, il se sentait faiblir. Les lettres faisaient leur chemin…
Sentant qu’il luttait encore intérieurement, la jeune enfant pointa une dernière fois le doigt vers l’homme qui devait faire deux fois sa taille:
– Tricheur! J’ai dit PAN en premier! Vous êtes mort!!!
Touché dans ce qu’il avait de plus intime, il comprit alors qu’avancer serait tricher contre lui-même, que la partie était perdue. Il était temps de repartir. Vaincu. Car au fond, cette jeune fille avait raison. Il n’aspirait plus qu’à une chose, se relever, rentrer et prendre son goûter.
Sublime.
On hésite entre le sourire et le sérieux. Vous nous faites danser d’un pied sur l’autre…
C’est comme une fable moderne : les personnages semblent bien réels, mais ils s’inscrivent dans un drame qui, lui, semble impossible dans la réalité. Et pourtant, on la sent, là, toute proche et sous-jacente, cette réalité !
Et en plus : c’est “doux” ! En fait on suppose bien que le sujet est grave, mais vous le “psycho-dramatisez” d’une façon un peu burlesque qui donne à penser qu’au final, peut-être, rien ne mérite vraiment qu’on lui trouve gravité… (ma lecture bien sûr…)
Et… “pan !” 10 balles dans le cœur ! Euh, non : 10 cœurs d’un coup (de pistolet, évidemment) !
Merci, je crois que si les mots ( qui plus est les mots d’enfants) pouvaient tuer la part de mal en chacun, alors… 🙂
génial.” Pour de vrai” ou “pour de faux” jusqu’au bout ! A la fin, j’ai vu un vieux bonhomme qui part chercher un goûter pour retrouver son l’enfance.