– Emilie Amet l’a fort bien dit:« C’est lorsque la maladie nous tient inactifs que nous formons les plus beaux projets de travail». Et voyez-vous.,je suis malade, monsieur le procureur, malade d’une maladie incurable. De ces maladies encore bien peu étudiées par la médecine sous prétexte qu’il serait gênant voire dangereux pour un médecin de renom d’en faire le diagnostique par erreur.
– Tiens donc… et qu’elle serait donc cette maladie incurable qui vous a rendu inactive et donc inapte à réaliser tous vos plans?
– C’est l’oisiveté monsieur le procureur , l’oisiveté… celle-la même qui me pousse à vaquer à mes pensées sans même penser à les réaliser.
– Vous voudriez nous laisser croire que vous avez créé cette vaste affaire sans même songer à la réaliser? Et que par inadvertance, chançarde que vous êtes, il se serait produit l’improduisible?
– En quelque sorte…
– Au risque d’être indiscret, mais pour éclairer notre affaire, puis je savoir quels étaient vos projets, avant même qu’ils ne soient dérobés par un heureux hasard puis mis à exécution ?
– oh, c’est un peu gênant. Il se trouve que j’ai un imaginaire assez prolixe. Je rêve d’entrer dans un livre et de gravir ses pages telle l’héroïne d’une aventure. Alors j’imagine, ce livre, grandeur xxl, je saute sur des mots qui chantent un drôle de titre, j’ouvre une nouvelle page, également xxl, dans laquelle je pénètre pour y vivre mon aventure.
– Tout cela n’est que pure folie!
– Oui, de la pure folie, sortie de mon cerveau malade… imaginez le travail qu’il faudrait fournir pour élaborer pareil ouvrage!
– Et donc… vous avez jugé bon de pénétrer dans les studios de la Paramount, prendre en otage les acteurs et figurants et vivre votre aventure?
– Non, bien sûr que non! J’ai juste dû le rêver un peu trop fort … et peut- être même l’ai je un peu trop suggéré à quelques bons amis… Vous savez comme sont les hommes… Je suis juste une femme aux amis dévoués… Ils auront crû bon de me faire plaisir!
-Dévoués! Ça vous pouvez le dire ! 57 pages tout de même votre aventure ! Une trentaine de plateaux saccagés! Une trentaine d’acteurs traumatisés !
– Mais c’est que c’était une aventure en milieu aquatique… l’héroïne a dû surfer en studio, monsieur le procureur! C’était compliqué !
– Et vos bons amis, ils seront heureux de vivre une nouvelle aventure? Car elle risque d’être carcérale cette fois-ci, chère madame!
– Je ne saurais vous dire… je pense que … il est probable qu’ils aient préféré d’autres aventures… mais, bon….oh et puis flûte monsieur le procureur, comme le dit Marcel:
« Il n’est pas une seule jolie femme qui puisse satisfaire tous les désirs qu’elle inspire.»
[C’est l’oisiveté] Alors là, je ne m’y attendais pas ! Et, tout le reste encore moins ! Raconter avec autant de brio l’imaginaire, c’est fort, vraiment fort, bravo !
Merci Gigi, c’est sans doute l’effet migraine🤕… je crois que ça me rend un peu folle 🤣
Quel bonheur de parcourir ces lignes vivifiantes merci 🙂
Tricoter ensemble ces cinq contraintes pour élaborer un scénario, peut-être fou mais très brillant, est un beau challenge réussi, chapeau !
Epatant !