L’aventure commençait donc là, dans la fraîcheur de la nuit tombante, dans une cour de pierres blanches, et dans un silence monacal.

Le groupe de méditants en herbe avait été simplement et cordialement accueilli une heure plus tôt par le moine qui vivait dans ce monastère auvergnat.

Jamais Luc n’aurait imaginé que la plongée dans le brouhaha de ses pensées ne se ferait aussi rapidement, mais voilà qu’il y était; ses bagages étaient défaits, son linge rangé, il avait même déposé sa brosse à dent dans le verre prévu à cet effet. Il était ressorti de sa modeste chambrée aussitôt, et s’était arrêté net dans la cour, s’apercevant qu’il était en fait arrivé à destination. Aucun luxe, aucun divertissement aux alentours… Tout n’était pas rose, mais n’était-ce pas ce qu’il avait souhaité: Dix jours de retraite, en silence ou en prière la majeure partie du temps, avec l’espoir ténu de trouver un peu de paix au milieu de son tumulte intérieur?

Il s’aperçut soudain qu’il n’était pas seul. Le professeur de yoga, qui l’avait abreuvé durant le trajet – sans se soucier le moins du monde de sa soif en la matière – de ses théories sur l’ouverture de conscience par la pratique d’une discipline corporelle, était assis en lotus sur un banc, à l’ombre d’un arbre. “C’est un vrai tartufe” pensa Luc. ” Cet homme a la conscience fermée comme une huître. Comment a-t-il pu décemment me parler chien tête en bas et grand écart alors que les moignons de mes jambes dépassaient de mon short!”

Le moine qui les avait accueilli, heureusement, lui inspirait bien autre chose. Cet homme ne payait certes pas de mine, mais il semblait comme faire partie du paysage. Ses contours ne juraient pas avec son environnement quel qu’il soit. Il ne semblait pas en heurt avec le monde. Aucune irritation n’avait point par exemple, à l’intrusion de ce bruyant groupe de pèlerins qui troublait pourtant sa tranquillité. Etait-ce grâce à sa vie d’ascète, nourrie de la traversée de ses tempêtes intérieures que cet homme avait accédé à cette presque palpable sérénité? Luc s’interrogeait, et doutait d’apaiser un jour ses propres souffrances, devenues plus morales que physiques à présent, qui le torturaient du matin au soir depuis sa double amputation. 

Certes il doutait du bienfondé de la réflexion qui l’avait mené à cette retraite, mais maintenant qu’il y était, il comptait s’appliquer, et si cet endroit cachait un moyen d’accéder à la paix, il s’en fit la promesse à cet instant, il allait se faire fort de découvrir le pot aux roses.

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