Après avoir avalé deux mille kilomètres en voiture sous une chaleur de plomb me voici enfin arrivée à destination au village de Lugcel. Le soleil éblouissant m’oblige à chausser mes lunettes polarisées. Sur mes lèvres se dessine un large sourire malicieux. Ce lieu particulier largement vanté par mon amie Lucie pour ses vertus calmantes exceptionnelles et ses habitants particuliers me laisse dubitative. Néanmoins, un fait est certain : mon amie est revenue complètement transformée après ses dernières vacances à Lugcel. Je décide donc de connaitre les raisons de cette métamorphose et me rend au petit hôtel Tégi pour réserver une chambre pour une quinzaine de jours. La réceptionniste habillée d’une grosse parka rouge assortie à une chapka et des bottes fourrées me déshabille du regard avec insistance : ma tenue légère d’été en accord avec la chaleur du moment semble la déranger. Est-ce que moi je m’offusque de ses vêtements inappropriés pour la saison ! Après avoir réglé ma chambre d’avance je prends l’escalier étroit pour accéder au premier étage. Le couloir exigu débouche sur une grande porte de bois sculptée sur laquelle je peux déchiffrer « Pavilkaya Mercyltha ». Une odeur sucrée de jasmin chatouille agréablement mes narines. Je glisse la grosse clé dans la serrure et me trouve dans une chambre spacieuse aux poutres impressionnantes. Des ficelles tressées irrégulièrement à la main sont pendues et maintenues par de gros clous dorés. Je vais de surprises en surprises lorsque je découvre la salle de bain attenante : une parka rouge, une chapka et des bottes sont accrochées au porte-manteau. Quel lieu étrange ! Pourtant la sérénité ambiance m’enveloppe avec douceur. Lucie n’a pas vraiment tors de dire que ce village détient des secrets. A quoi servent ces cordes suspendues ? Pourquoi porter des vêtements d’hiver en plein été ? Quels sont ces noms insolites écrits sur les portes ? Je dois mener mon enquête … Après avoir rangé ma valise, je descends à pas de loup à la réception de l’hôtel pour essayer de surprendre une conversation, entendre un bruit particulier ou même voir le propriétaire de l’hôtel ! Seulement un petit homme, habillé d’une parka rouge assortie d’une chapka et de bottes, est assis en tailleur à même le sol de pierres. Il regarde le ciel de ses yeux turquoise et prononce des incantations dans une langue inconnue : « Gymhulisthu…. Xyjiva… Vorocekepa ». Je m’approche doucement pour ne pas l’effrayer. Il se tourne vers moi avec une lenteur exaspérante. Ses yeux clairs accrochent mon regard. De sa voix cristalline légèrement chantante il s’adresse à moi :
« Bonjour Biche égarée, comment puis-je te venir en aide ? »
Cette phrase mélodieuse m’interpelle. Mon corps commence à trembler de la tête aux pieds. Mes membres s’engourdissent et je dois m’asseoir à côté du sage. Mon cœur semble s’arrêter de battre. J’ai l’impression de flotter et de perdre mon autonomie. Malgré la chaleur torride de l’été, il fait anormalement froid. Je ne parviens plus à contrôler mon corps.
Le petit homme me sourit tendrement et s’exclame :
« Gymhulisthu…. Xyjiva… Vorocekepa… Gymhulisthu… Xyjiva… Vorocekepa » Ne t’inquiète pas, Petite Biche, tes ennuis de travail vont se dissiper ! Va te réchauffer dans ta chambre, pose tes vêtements d’été et vêtis la parka rouge la chapka et les bottes durant toute la semaine. Tu trouveras sept cordelettes tressées accrochées aux poutres : chacune représente un jour de semaine. Tu en décrocheras une chaque matin lorsque le soleil se lève et samedi prochain tu seras libérée de tout ce poids !
merci pour m’avoir fait éclaté de rire ! bravo !
Un peu de dérision et de légèreté avec ces algologismes humoristiques
Bravo pour avoir su intégrer des mots si insolites de façon légère au service d’une histoire drôle et intrigante à la fois.
Merci de votre message. J’avoue que je me suis bien divertie à l’écriture de ce texte durant mes vacances 🙂