Quand il avait senti la moutarde lui monter au nez Marlem* avait rapidement quitté sa maison prétextant quelques rangements à faire à l’église paroissiale. La raison de son courroux était un bonnet d’âne, celui que Barbacole* l’instituteur avait contraint son petit-fils à porter toute la matinée. L’enfant, intelligent mais paresseux, avait eu l’heur de déplaire à l’enseignant par un devoir un peu trop rondement bâclé. Le sacristain de Vuny se sentait personnellement offensé et entreprit de calmer ses nerfs en usant de son stratagème habituel, c’est-à-dire en se shootant à grand coup d’encensoir chargé de son parfum préféré.
Les volutes de l’encens avaient envahi la sacristie et débordaient abondamment sur la nef, sans nul doute Marlem avait eu la main un peu lourde en manipulant les précieux grains. Peu importait, nul ne s’en rendrait compte se dit-il, aucune célébration n’était prévue dans la journée. Accoisé par ces fumigations, le sacristain, détendu et apaisé, rêvassait, affalé dans le fauteuil Voltaire de monsieur de curé. A travers le brouillard mental qui l’habitait il crut alors entendre un pas. Mobilisant toute l’énergie dont il était capable il se dirigea silencieusement vers la chapelle dont semblait provenir le bruit. Agenouillé aux pieds de la Vierge, un jeune homme murmurait :
Ce grain d’encens qui remplit une église
inspire à mon âme une douce prière
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
je vous confie mon songe pour que vous l’exauciez.
Elle est femme de chambre au château voisin
nos yeux se sont croisés au retour du marché
La secrète splendeur et la beauté fatale
de son regard doré ont terrassé mon cœur.
Je n’ose lui parler tant j’ai peur de l’effrayer.
Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre
laissez lui voir combien mon amour est sincère
Vous seule le pouvez, je n’ai que vous de mère.
* Marlem : à découvrir dans « Rites catholiques (ou pas) »
* Barbacole : à découvrir dans « A l’école des garçons »
En gras : les vers de Baudelaire
éclairez moi, Angelune, le sacristain de Vuny est le père de l’enfant de Marlem ?
Merci de me lire @philippelettres
Marlem est le nom du sacristain.
Pour plus d’infos voir “rites catholiques (ou pas)” dont le lien est en fin de texte.
ho! pardon , j’ai fait deux erreurs de lecture, quand il avait senti et Marlem que j’avais lu
” Marlène ” . Désolé, pour mes approximations de lecture .
Tant à dire… Je vais résumer le résumé : merci pour cette belle démonstration des possibilités de la Langue quand elle servie par si belle intention ! Et merci, surtout, de la faire ici, sur Algomuse !
Un petite frustration (énorme ! en vérité…) quand même : la narratrice, l’autrice, nous reste toujours inaccessible.
En tout cas, vous lire, chère narratrice, est à chaque fois une découverte ! Dussiez-vous pour le coup rester totalement vierge, je continuerai de le faire en guettant à chaque fois la nouveauté, la surprise, l’imprévu et l’ingéniosité que vous déployez à combiner les mots (expressions…) de la langue dans sa réalisation.
Oui, bon, je suis fan ! Vive Angelune !