C’était pendant l’une de mes expéditions dans le Grand Nord que je fis une découverte. Il y avait un vent assez froid ce matin-là, et je tombais de fatigue. Sous mon gant, je sentis un carré dur et gelé. Je le sortis de sous un monticule de neige. C’était un carnet, dont il ne restait plus grand chose: 1 ou 2 pages seulement. Le silence était sans limite, ici, et je pus lire tranquillement. Le journal datait du Lundi 21 août 1967 :
” Ce matin, mon ours brun, Jacoberie, et moi, pauvre montreur d’ours, sommes arrivés au Pôle Nord. Il fait froid, là bas, et tout est gelé. Mais c’était ce qu’il me fallait : les gens voulaient un ours polaire à présent, et non un ours brun. C’est qu’ils sont capricieux, les gens, ils veulent du nouveau! C’est pourquoi je suis venu ici, pour rendre blanche la fourrure marron de Jacoberie. Mais j’ai peur qu’il attrape froid… Toutefois, je trouve mon ours plus pâle qu’avant.”
En tournant la page, je me rendis compte qu’était inscrit en gros “PLUS TARD”, et en dessous, encore quelques lignes.
“Cette nuit, il y a eu une tempête de neige. Je ne pouvais en attendre plus de cette froide contrée! Le pelage de Jacoberie est plein de givre! Nous allons pouvoir rentrer, le public va être content!”
Après, plus rien. Je ferme donc le journal, et clos mes paupières.
Moi, je savais bien que, en se réchauffant, Jacoberie sera redevenu un ours brun… Mais cet audacieux montreur d’ours aura sûrement essayé de le mettre dans un réfrigérateur !…