La pocharde
L’heure est à la détente au café de la place,
Les enfants jouent au sol et les couples s’enlacent,
On se ‘’conciliabule’’ et l’on se désaltère,
L’heure est à la bonhomie, la vie se peint en vert.
Mais voilà que survient un être incongru
Qui, au loin, vocifère et lance des mots crus.
Elle se trousse là, grosse, cynique, obscène,
Sur le trottoir d’en face entame une rengaine.
Ses seins lourds et pendants entrouvrent son corsage
Et ballottent au rythme de ses pas sauvages.
Avait-elle été belle ? Ou bien vieille avant l’âge,
Avant que la boisson ne fasse ces ravages ?
L’œil est teinté de sang, boursouflée est sa face,
Elle lève en dansant sa jupe emplie de crasse.
Les clients, désœuvrés, observent cette engeance,
Ça met un peu de sel dans leur existence …
Le patron du bistrot voudrait bien la chasser,
Il craint qu’elle ne lui fasse perdre sa journée …
Mais elle continue et tourne autour des tables,
Jure contre le ciel, insulte les notables,
En lançant un rire gras, harangue les passants,
Ses gros bras élevés, criaille … en bavant.
Son haleine est chargée et son regard est noir.
Elle part en titubant noyer son désespoir.
Aucune main tendue, on préfère ignorer
La pocharde et ses cris, puis la laisser aller.
Quel terrible portrait si bien tourné… J’ai eu des visions en le lisant. Elle est plus vraie que vraie sous nos yeux et l’on questionne son histoire.
Et le visuel est très bien choisi.
merci pour cette lecture
Après cette belle description j’ai envie de demander … Comment en est elle arrivée là ?
D’où vient-elle ? où va-t-elle ? personne ne le sait …
Bel assemblage de lourdeur (du personnage) et de légèreté (du texte) ! Bravo !
“Lourdeur du personnage” et “légèreté du texte”. Oui, totalement d’accord.
Et merci @Plantarede d’avoir attiré mon attention sur ce texte.
J’y vois, quant à moi, au-delà de cette critique de style, l’expression manifeste de l’empathie. “Le Manifeste de l’empathie” ?
Bon, d’accord, je donne facilement dans le superlatif, mais regardez :
les enfants, les couples, “on” (se conciliabule…), “un être incongru”, et ensuite seulement les déclinaisons de cet “être là”,
pour, au final, ne faire jamais que suggérer qu’il incombât une responsabilité (à qui ?) en regard de cet être.
Autrement dit, personne, aucun des personnages du texte n’est jamais jugé (donc condamné ?) par l’auteure.
Ne les embrasse-t-elle pas, tous et chacun d’eux, dans leur stérile adversité ?
Et n’est-ce pas, au final, ce qui nous la rend sympathique, cette “pocharde” ?
Au risque même de s’identi…?
Un beau moment de lecture, merci à vous deux.
Oh oui, ce texte m’avait beaucoup marqué.
Et puis oui, @Guillaume du Vabre ( @algo ), c’est la bienveillance de l’écriture de @melanie chaine qui m’avait aussi touché
Merci à vous @Plantarede pour votre lecture
Mais oups ! vous avez déclenché la verve incontrôlable de @Guillaume du Vabre ( @algo ) !!!
La pocharde… ce portrait est émouvant, on peut ressentir toute sa détresse et souffrir les regards scrutateurs; la jugeant, loins d’être dans cette empathie dont vous parlez… Difficile ce sentiment de solitude au milieu de la foule ignorante. Très beau.
Merci d’avoir critiqué mon commentaire ! (Ce faisant, vous donnez tout son sens à cette fonctionnalité du site…)
Vous écrivez :
“…on peut ressentir toute sa détresse et souffrir…” : empathie ?
“…les regards scrutateurs la jugeant…” : “regards scrutateurs” n’est pas dans le texte, n’est-ce pas ?
Vous évoquez d’ailleurs vous-même “la foule ignorante”…
Je pense comprendre votre idée générale : l’indifférence (feinte ? craintive ? et qui se donne des airs “d’ignorance” ?) de la foule à l’égard de l’insolence incarnée par la pocharde procèderait d’un jugement ? D’un rejet délibéré ? D’une condamnation explicite ?
C’est une lecture possible, j’en conviens. Mais je garde la mienne ! (sourire…) :
– pour moi, il n’y a pas de jugement, car tout jugement s’accompagne forcément d’une exécution (une sentence exécutoire). Ici, même “le patron” aimerait la chasser, mais il ne le fait pas. Les enfants continuent de jouer, les couples de s’enlacer, et les “désoeuvrés” observent… et SE questionnent !
J’y vois davantage “l’adversité” (la dualité même) de deux sentiments contradictoires qui nous habitent : compassion versus sécurité (affective).
A mes yeux, ce texte est littéralement “naturaliste” : l’auteure décrit la scène ; elle n’y ajoute rien qui nous entraînerait d’un côté ou l’autre (compassion/sécurité) des plateaux de la balance. Et je veux croire cette démarche narrative délibérée. Et si j’ai raison, alors elle est empathique ! (re-sourire…)
En tout cas, merci encore de votre critique Maxime ! Et bienvenue sur l’Algo !