L’agneau se plaignait d’avoir chaud.
Tout ce soleil, pensait-il, en observant un humain. Il se dirigea à pas lourd vers la rivière, bu une gorgée, une autre, fût rejoint par ses congénères, et tous buvaient à grosses goulées. Une tortue s’approcha.
-Que faites-vous ? Ne voyez-vous donc pas que déjà la rivière s’assèche ?
-On a chaud, bêla en cœur le troupeau.
-Léchez des cailloux pour vous hydrater, au lieu de vider ce qu’il nous reste d’eau.
-Ça fonctionne? demandèrent-il.
-Mon grand-père le faisait, il est mort à l’âge de 30 ans, assura la tortue.
L’agneau lança un regard interrogateur à sa mère, noyée dans les flots de laine frisée. Pourquoi pas, semblait-elle répondre. L’agneau se mit alors en quête de pierres à lécher. Mais le goût salé le gênait, et il ne se sentait pas plus frais.
Une humaine passa, chargée d’une caisse en métal froid. À l’intérieur, plusieurs poissons morts empilés dans la glace.
-Viens avec nous, murmura un maquereau mort.
-Avec vous ?
-Oui, ne vois-tu pas comme la température est bonne ? L’agneau avança son museau, mais fut repoussé par l’odeur poissonnière. Il tenta une patte et glissa entre les glaçons. Une agréable brûlure parcouru son corps et provoqua un grand frisson. L’humaine hurla : “Ouste! Ouste, laisse mes poissons!”. Et l’agneau s’éloigna en sautillant. Il lécha au passage quelques pierres qui lui laissèrent un goût de terre.
-Aie, réagit une pierre plate.
L’agneau sursauta.
-Tu m’a mis la langue dans l’œil, dit la pierre.
-Pardon, ce n’était pas mon intention.
-Que fais-tu donc, à lécher les cailloux ?
-C’est le conseil d’une tortue.
-Il y a des passe-temps plus intéressants, commenta la pierre.
-J’ai chaud, gémit l’agneau.
-Ah ça, oui. Nous, les pierres, serons peut-être les derniers témoins de la trace des animaux sur terre.
-Comment faire ? interrogea l’agneau.
-Il faudrait diminuer la proportion de gaz à effet de serre, arrêter le capitalisme et la production industrielle.
-Ah, dit l’agneau. La tortue m’aurait menti ?
-Le problème des tortues, c’est le rythme. Elles ne voient pas qu’il y a urgence, dit la pierre avec évidence.
-Oui. J’ai croisé un maquereau mort qui voulait que je le rejoigne dans la glace.
-Dans la glace ? La place des poissons est dans l’eau mouvante.
-Il me semblait bien.
-Et si l’on mettait les humains dans des glaçons, à la place des poissons ?
-On n’aurait pas moins chaud.
-On aurait moins de misère, tout de même.
-C’est une idée, philosopha le jeune agneau assoiffé. Et pour boire ?
-En attendant, je te conseille d’aller laper l’eau douce et infinie qui coule de la sculpture que tu trouveras au fond à droite, dans la maison. Il suffit de ne pas te faire prendre.
Et l’agneau enthousiaste, sur la pointe des pattes, s’en fut s’abreuver de l’eau des WC.
Exercice plutôt réussi , avec comme contrainte , un agneau, une tortue et un maquereau et en plus le votre, il est mort .
J’ai vraiment beaucoup aimé votre histoire! Le fait de faire parler ainsi la nature (y compris la pierre et le poisson mort) est un point de vue original. Ce texte prête à sourire tout en laissant bien entendu à réfléchir… bravo !
Whaoo ! Merci @Ma Pie de m’avoir fait découvrir ce texte sublime ! Bon, je ne vais pas me lancer encore ce soir dans une grande critique “philosophale” (sourire), mais quand même ! On a là tous les éléments d’une réflexion profondément écologique, c’est-à-dire humaniste, non ?
Whaoo ! Je suis fier, Aurore Lacour, que vous l’ayez publié sur l’Algo ! Merci !
🤣🤣 Mais oui! Je suis d’accord! Et dire qu’il y a plein de petites pépites à débusquer dans l’algo que je n’ai pas encore lues… chouette!
Merci pour vos gentils commentaire, c’est encourageant !