J’ai vu le jour officiellement en 1975. Mais en vérité je suis né bien avant. J’ai pris germe dans le cerveau de mon père de façon imprécise au départ. Mon émergence floue cohabitait avec un foisonnement inouï d’idées en gestation, de souvenirs obsédants, d’enthousiasmes et de désespoirs. Ce cerveau travaillait sans cesse depuis de longues années, et j’avais plusieurs illustres frères ainés !
Peu à peu je pris forme, et je commençais à me distinguer. Enfin, je fus définitivement choisi, car mon essence profonde faisait écho à celle de mon créateur.
Dès lors, je fus disséqué, sculpté, adulé, parfois rejeté, puis revu et corrigé au gré des désirs et des humeurs de Romain, mon génial géniteur.
Jamais je n’ai craint d’être abandonné. Je me livrais à lui en totale confiance. J’acceptais les ratures, le cliquetis nerveux de sa vieille machine, les jurons, les soupirs… J’adorais l’intense connivence qui nous unissait tout au long de ces nuits. Ensuite je m’endormais, bercé par la voix rauque de Madame Rosa.
Lorsque je fus achevé, Romain me scruta longuement, et d’un geste rageur que je ne compris jamais, il signa “Emile”.
Je fus un grand succès. Je fus multiplié et découvris le monde. Mais Romain était triste. Rien ne le guérissait de ses douleurs passées, et le fantôme créé n’avait rien consolé.
Moi, j’avais la vie devant moi, mais Romain décida de partir brusquement quelques années après ma venue au monde.
Mon coeur en saigne encore.
C’est un peu surréaliste, difficile à comprendre… (“Look who’s talkng !).
Intriguant. Bien écrit.
Je reste sur ma faim sur un point : où est l’autrice ? Que nous partage-t-elle d’elle-même ?
Serais-je voyeur ?
Peut-être après tout…
Bien cordialement,
G.
PS : Et bienvenue sur l’Algo !
Bonsoir @Guillaume du Vabre ( @algo ). J’ai simplement répondu à une consigne (donner vie à un objet) J’ai choisi le roman, parmi les 3 objets proposés. Ce qui rend mon texte un peu “surréaliste” comme tu le dis, c’est que je me suis simplement mise dans la peau du roman. Et par ailleurs, je n’ai pas choisi le “roman” en tant qu’objet (un simple bouquin), mais j’ai choisi le roman d’Emile Ajar “La vie devant soi”.
Emile Ajar était le pseudo de Romain Gary à une époque de sa vie, comme tu le sais. Une fois cela posé, rien n’est tellement bizarre dans mon texte. Pour finir, n’oublions pas qu’Emile Ajar a eu un Goncourt avec ce roman. Romain Gary n’a jamais osé avouer qu’il était le véritable écrivain, se cachant derrière le pseudo Emile Ajar, tout simplement parce que Romain Gary avait eu déjà le Goncourt avec “Les racines du ciel”. Il était donc hors la loi en quelque sorte…(pas le droit de l’avoir 2 fois ) La vraie identité du mystérieux Emile Ajar ne sera dévoilée qu’après le suicide de Romain Gary (en 1980 je crois). . J’y fais allusion en fin de texte.
Quant à l’auteure de ces lignes, ma foi elle est là… Elle ne se cache derrière rien… A part le pseudo que nous sommes tous invités à prendre sur ce site. Et je ne parle pas de moi dans ce texte.
Voilà, j’espère avoir répondu à tes interrogations. Je serai ravie si d’autres occasions d’échanger se présentent. Je suis toute nouvelle inscrite, et j’ai cru comprendre que tu étais à l’origine de la création de ce site. C’est super. Bonne soirée !
Merci de votre réponse. Et je vous demande pardon si je vous ai offensée, ou simplement froissée.
Je conviens que ma critique est un peu crue, pour ne pas dire brutale.
J’en suis sincèrement désolé. Je manque de tact.
A décharge, je vous demande de croire que je me suis mal exprimé.
Pour ce qui est du roman que vous avez choisi, de son histoire, c’est un sujet qui ne m’est pas étranger (euphémisme, je crois)…
Ce que j’essayais (maladroitement) d’exprimer, c’est peut-être justement l’absence de positionnement de l’autrice en regard de cette histoire.
Mais c’est ma lecture, n’est-ce pas ? Mon point de vue.
J’ai vu cette “neutralité” un peu comme une “occasion ratée”.
Par exemple, le livre n’éprouve jamais le moindre (res)sentiment, la moindre émotion ; il n’est pas vraiment vivant.
Dans la narration il ne fait qu’observer et décrire se qui se passe autour de lui, à l’instar d’un historien, pas d’un romancier…
C’est le romancier-ière qui m’a manqué-e. (sourire)
En tout cas, once again : bienvenue sur l’Algo !
PS: le tutoiement ne me pose aucun problème (j’ai vécu plus de 20 ans dans des pays où le “vous” n’existe pas…) ; c’est juste que sur l’Algo, depuis bientôt 4 ans (!), on s’est tous à peu près spontanément vouvoyés. Allez savoir pourquoi ?
Cela dit, si vous le souhaitez, on peut se tutoyer…
Vous ne m’avez offensée d’aucune manière ! J’ai tenu simplement à expliquer plus clairement ma démarche.
Au fait désolée pour le tutoiement. J’ai tendance à tutoyer, mais je vais m’adapter aux habitudes du site, c’est très bien.
Pour répondre à vos dernières remarques, je tiens à souligner que ce n’est, en effet, pas le romancier qui parle, mais toujours le roman. C’est le roman le personnage. Et ce roman me semble éprouver des “sentiments” : Il est confiant, il adore la connivence avec l’écrivain, il est touché par la tristesse de Romain, et au final son coeur saigne… Ce sont bien des sentiments et des émotions, non ?
Ma propre neutralité est évidente, je ne suis pas dans le texte ! Il ne s’agit à aucun moment de moi et de mes propres sentiments (même si je peux me sentir en empathie avec les sentiments du roman/personnage. Je me contente de répondre à la consigne qui était donnée : un objet auquel on prête vie.
Bonne soirée à vous ! Et merci pour votre intérêt, vos coeurs et votre accueil sur ce site !
Pas facile de résumer la vie d’un roman. Bravo.
Merci Sklaera ! Il est tard, mais demain j’aurai plaisir à lire vos écrits. A bientôt.
J’aime beaucoup le visuel, les petits galets… Tout un contraste avec votre texte. Franchement une très belle lecture pour moi. Merci encore.
Bonjour Aldor, je m’étais interrogée sur la manière de faire parler cet objet, et finalement je suis restée bloquée! Etonnamment, je n’avais pas songé à choisir un roman spécifique. J’ai beaucoup aimé ce texte! 😉
Merci à vous ! Au plaisir de futurs échanges !
Pour moi, ce sont les galets qui chantent, tout un roman à eux seuls, toute une musique.
Merci Sklaera !
Un texte en forme d’énigme, en quelque sorte! J’ai aimé vous lire et tenter de deviner ce roman né en 75… Vous nous amenez tranquillement vers la réponse 😁 Une bonne idée que de choisir un roman particulier pour faire parler cet objet !
Merci Héloïse !
un peu à retardement … J’aime beaucoup votre texte qui donne la parole à ce roman “La vie devant soi” dont l’histoire interpelle la littérature.
Et oui personne ne lui avait demandé son avis à ce pauvre roman qui a pourtant concentré deux auteurs en un avec deux prix Goncourt (dont l’un quelque peu usurpé) et finalement vous aussi puisque vos lignes donnent voix au roman : deux en un encore, mais là vous suivez la consigne exacte de cet atelier.
Aille tout de même, schizophrénie me guette !
Non sérieusement quelle bonne idée d’avoir adapté le jeu d’écriture à ce roman particulier entrant ainsi dans le fil parfait de cet événement ou non-événement littéraire.
Merci Mélina pour votre lecture et votre commentaire.