Edouard, le majordome de l’hôtel particulier Dupantin d’Evian est dépassé par les évènements. La Comtesse de la Pince de Bois, grand-mère de Monsieur Alexandre propriétaire de la demeure, a annoncé hier soir son arrivée dans la journée ! A huit heures du matin, Edouard a déjà la chemise humide de sueur. Après avoir ordonné au voiturier d’aller récupérer la dame à l’aéroport de Genève pour onze heures, coordonné les tâches des femmes de service, informé les cuisiniers des nouvelles allergies alimentaires de la comtesse, passé les commandes diverses urgentes il ne souhaite qu’une chose : aller prendre une douche et se rafraichir ! Il se dirige d’un pas cadencé vers sa chambre au fond du couloir de marbre. Au bruit des talons qui résonnent sur le sol ciré, la nouvelle comptable Sidonie, sort de son bureau furieuse prête à hurler sur le passant. Lorsqu’elle voit le majordome habillé élégamment, elle reste bouche bée : la comptable sent son corps se liquéfier. Elle reconnait ce beau brun quadragénaire avec lequel elle s’est donné du bon temps l’été dernier en vacances lors d’une soirée arrosée ! Un sourire moqueur se dessine sur les lèvres de la jeune femme : elle n’aurait jamais cru revoir un jour cet amant fougueux, exalté, inventif, extraordinaire déclenchant des ondes d’une volupté exceptionnelle de leur soirée volcanique. Tout le personnel le décrit comme un homme « strict, sérieux, discret, pondéré même parfois un peu autoritaire ». Il est très loin de l’image que Sidonie garde en mémoire. Pétrifiée à l’idée de devoir travailler en collaboration avec Edouard, ce séducteur né, elle retourne s’enfermer dans son antre.
Le majordome a poursuivi son chemin sans remarquer la présence de la comptable au regard appuyé et au sourire narquois. En effet, Edouard à l’esprit occupé par l’organisation de la journée à venir. Faire preuve de patience et d’un professionnalisme sans faille à l’égard de La Comtesse de la Pince de Bois. Il visualise déjà les deux lévriers afghans insupportables de la vieille dame qui vont s’ébrouer majestueusement sur les canapés velours du hall ! Il va devoir se contenir pour assurer le confort de ces « petits chéris » exécrables qui vont l’obliger à courir tous les matins à l’aube lors d’un jogging obligatoire. Il doit se dépêcher pour finaliser ses tâches, accueillir avec bienveillance la grand-mère de Monsieur Alexandre et se tenir à sa disposition en permanence ! A dix heures trente, tout est prêt : il est serein et confiant. Monsieur Alexandre pourra le féliciter de sa rigueur et ses compétences incontestables.
Néanmoins, il a oublié de contrôler avec la comptable si elle a bien procédé aux règlements des prestataires de service (coiffeur, manucure, pédicure, masseuse, phytothérapeute) imposés par Madame La Comtesse durant son séjour de détente. Au pas de course il s’exécute : arrivé à la porte du service comptabilité, il frappe discrètement et entre sans un bruit dans la pièce.
Une femme aux longs cheveux blonds, assise de dos devant l’ordinateur, semble concentrée sur les chiffres qui se déploient devant elle. « Où se trouve Madame Estoril ? » demande-t-il d’une voix suave envoutante.
Surprise, Sidonie sursaute, se retourne d’un geste brusque et renverse sa chaise. Elle aurait reconnu entre mille cette intonation sensuelle ! L’étonnement d’Edouard se peint sur son large visage à la vue de la jeune femme encore plus charmante que dans son souvenir. Des images coquines lui rappellent qu’elle l’a fait grimper aux rideaux l’an dernier à Ibiza pendant les seules vacances qu’il avait pu s’octroyer depuis dix ans.
A la fin de leur séjour, ils s’étaient quittés simplement sans promesse sans explication sans dévoiler leurs vies respectives.
Un beau portrait de ce majordome aux deux visages, une très belle réponse à l’Algophore dans un texte si vivant, bravo !
Je trouve très amusant de découvrir ce que plusieurs d’entre nous font d’un même défi dans des univers différents.
Merci @Angelune pour votre commentaire et … Grande interrogation : N a t on pas souvent plusieurs visages selon les situations ? Et j ai beaucoup aimé également les algophores sur le même défi
Je suis d’accord avec Angelune, c’est vraie drôle de voir comme un même algophore ouvre la voie à des tas d’histoires différentes! Je l’ai trouvé très réussi bravo!
Merci @Ma Pie de votre message chaleureux
Un homme peut en cacher un autre
L être humain réservé souvent des surprises 😗
Un combat intérieur (inconscient) ? Une mise en abîme de “l’amour” (genre “coup de foudre”, “animalité” du sentiment “amoureux” – beaucoup de guillemets, j’en conviens…) ?… En tout cas, @@POTENTILLEJAUNE, vous possédez (à mes yeux) l’art de poser des questions… difficiles ? (Sourire)
Merci pour ce moment divertissant (malgré les questions !)!
Merci @Guillaume du Vabre ( @algo ) pour votre message : comme vous savez (je suppose) les questionnements de mes textes essaient toujours d interpeller le lecteur par sa visualisation (personnelle ou pas) des situations décrites. Ravie d avoir perçu votre sourire ( malicieux?) à travers votre commentaire. Un vrai moment de fraicheur en ce début juillet 😁
Tout est dit. C’est l’extraordinaire complexité des parcours de vie qui font la diversité des défis posés. Bravo @@POTENTILLEJAUNE !
merci @Gigi-22. En effet il est très agréable de voir l’appropriation très personnelle de chaque écrivain(e) pour les mêmes défis
Une histoire réjouissante par une narratrice de talent!
Merci pur votre commentaire qui me touche @Fransoaz Très contente que mon texte vous ai plu