Bon pied bon oeil, il traverse la salle des pas perdus, léger comme un promeneur en quête de quelques champignons….
Trottinant derrière lui, son avocate sourit. Officiellement commise d’office, elle est officieusement conquise et complice. Tout lui plaît chez ce client: le tempérament de l’homme, la cause défendue, et surtout la passion forte et ensorcelante qui anime le personnage.
Le juge, un brin moqueur:
– Monsieur Dubois, encore vous! Vous m’êtes bien sympathique mais il s’agirait d’éviter ce passage récurrent devant la cour. Nous avons beaucoup de dossiers à traiter et votre charmante folie attire les fâcheux.
Expliquez donc en quelques mots l’objet de la convocation du jour.
( monsieur Dubois) – J’avoue tout, monsieur le juge! J’aime courir à travers bois. Je caresse l’écorce blanche du bouleau. J’hume les jacinthes mauves, les jonquilles jaunes, le muguet blanc, je foule des pieds nus la mousse ….
( la procureure) – VERTE! Nous l’avons compris! Venez en aux faits, monsieur Dubois!
Cassante, la procureure avait beaucoup de mal à garder son calme face à cet être solaire que rien ne semblait entraver.
( monsieur Dubois) – Mais… de quels faits parlez-vous madame la procureure? Je ne sais de quelles accusations, je fais l’objet?
( la procureure) – L’outrage à la pudeur monsieur Dubois! L’outrage à la pudeur !
Une classe entière de jeunes enfants a été choquée à la vue de votre euh…..de votre … euh…. enfin vous voyez!…et tout cela en pleine forêt!
Le juge inquiet, n’y entendait rien.
– De quoi parlez-vous , madame la procureure? Soyez plus claire!
( la procureure) – Je parle de votre atelier clandestin! Monsieur Dubois!
35 têtes blondes vous on vu ériger ce totem en plein air! Nombreux sont ceux qui furent parcourus de frissons à la vue de la danse tribale et des cris gutturaux qui accompagnaient votre oeuvre.
Il va de soi que la jouissance exprimée lors de votre rituel manque quelque peu de retenue!
( monsieur Dubois) – Mais enfin, nous érigions un cairn, madame la procureure.
Empiler des pierres et des bois n’est pas illégal, et c’est très satisfaisant. Avez vous été satisfaite dernièrement?
Pour les chants, c’était improvisé, mais fort plaisant. D’ailleurs , la petite classe s’est mis à chanter elle aussi, et je crois qu’ils ont tout donné!
Saviez-vous que laisser s’exprimer le cri profond qui est en soi, permet de mieux s’ancrer dans notre réalité pour élever notre âme au plus haut, sans quitter la terre?
Quant à la clandestinité de notre atelier….Je ne sais quoi répondre…
( la procureure) – Et bien, je vais répondre à votre place monsieur Dubois…. On dit que des baignoires de boue creusées à même le sol vous serviraient de bassin de « prélassement »… Certains reviennent de chez vous, sales comme des cochons, et le sourire béat…
( monsieur Dubois) – Mais ils ne reviennent pas de chez moi! Ils reviennent du bois, tout comme moi! La clairière abrite quelques anciens marécages riches en bienfaits…qui si je puis me permettre vous feraient le plus grand bien.
Madame la procureure, ne dit on pas « a chemin battu il ne croit point d’herbe…»?
Je le bats ce chemin madame la procureure, je le bats depuis plus de vingt ans, quelque soit la saison, à tel point qu’il en est devenu sentier …
J’aime me nourrir de l’énergie de ces bois, et j’aime partager les bienfaits qu’ils procurent.
Ces enfants étaient en classe verte, et je doute qu’ils aient regretté cette immersion au sein de leur terre d’accueil.
( la procureure) – Et vous voudriez me faire croire qu’il n’y a rien de plus naturel que de laisser sa nature aller en pleine nature ? Et tout cela sans se soucier de la loi! Monsieur le juge vous conviendrez que cet homme a des déviances à garder sous contrôle!
( le juge) – un dernier mot monsieur Dubois, avant que je rende mon verdict?
( monsieur Dubois) – Je me soucie de la Loi, monsieur le juge, surtout quand cette Loi est celle de la nature!
( le juge) – Très bien . Merci.
Madame la procureur, monsieur Dubois, je prononce un non lieu pour ce qui me semble être un non forfait. Néanmoins et pour que chacun puisse profiter à son aise sans qu’il n’y ait de méprise sur l’intentionnalité de la démarche, je préconise de signaler ce lieu d’un panneau « attention terre d’accueil, risque de retour aux sources! »
Dites-moi ? il vit où ce Monsieur Dubois ? que j’aille me ressourcer de ce pas.
je viens de passer un bon moment … trop court …
Près d’un bois bien sûr 😉! Merci
Vous nous emmenez à la découverte de notre propre projet Mapie ! (Quand “L’élève dépasse le maître”…) C’est enthousiasmant. Merci.
Hi hi c’est vrai , c’est une façon de lire ce texte, l’algomuse serait donc une « terre d’accueil avec risque de retour aux sources »!
“Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même” (attribuée à Proust). En tout cas, c’est plaisir de vous avoir ici et de vous lire.
Excellent ! J’ai énormément aimé votre texte et l’histoire qu’il raconte, relevant un Algodéfi pas si simple. C’est vivant, très bien écrit au service d’une belle idée.
Trêve de commentaire, je pars en forêt… 😉
Chouette, il va y avoir du monde en forêt 😉!