– Je ne sais pas si pour toi, il y a en chaque être un peu de ce que l’on voudrait être, mais vois-tu, je te regarde chaque jour te faufiler dans la paille sèche et j’ai envie de te dire ces mots:
« Tu es petite, agile et ton museau pointue frétille avec obstination à la moindre odeur de quelque chose de bon. Tu trottines et tu danses comme une ballerine. Tu es mignonne voilà tout. Et j’aimerais , oui j’aimerais, que quelqu’un me dise un jour pareilles bêtises. »
-«Tu es petite, agile et ton museau pointue frétille avec obstination à la moindre odeur de quelque chose de bon. »
– Friponne musaraigne! Tu te ries de moi! Tu aurais pu faire montre d’une jolie flatterie du type: tu es grasse et charnue, et ton groin qui renifle sans cesse la chaude puanteur de ton lisier accentue la drôlerie de ton allure porcine. Mais vas… je ne t’en veux pas ! Il n’y a pas chez moi une once de joliesse, je l’avoue de bon coeur!
– Détrompe toi, maman truie, tu as la beauté de toute mère. Je ne dirais pas qu’il y a chez toi quelque chose que je voudrais être. Ce serait trop pour moi. Je ne suis qu’un fêtu de paille à l’échelle de ta bauge mais tu es mignonne aussi! Il faut être verrat pour ne plus voir en toi ces choses là!
– Ah donc tu as remarqué toi aussi qu’il n’y a plus la même intensité… le courant est rompu. Je crois que les derniers porcinets élevés ont eu raison de nous … Verrat ne viendra plus!
Une larme coulait le long du groin mouillé.
La pauvre musaraigne partit à pas feutrée, honteuse d’avoir, par manque de délicatesse, heurté la sensibilité de la truie certes forte mais d’une grande fragilité.
Fuyant se terrer sous la paille, la ballerine se demandait alors comment de si petites pattes pouvaient faire de si gros dégâts. Elle se prît alors à rêver d’avoir tout comme la truie, plus de finesse d’esprit. La truie a tout compris. « Il y a en chaque être un peu de ce que l’on voudrait être »Nul question de format, musaraigne ou pas.
Belle inventivité pour faire s’exprimer nos amis les animaux dans leur diversité.